6.10.09

les bouclés sont des cons, sauf quand ce sont les tiennes.

Je commençais à peine à découvrir l'art de tutoyer un lecteur, la discipline jouissive de répondre à ceux qu'on énerve, et la science délicieusement inexacte et foireuse de la critique de jazz avec boris v. quand j'ai vu que seize heures, l'heure fatidique, allait sonner. Il avait dit qu'il allait arriver à seize heures, pour passer prendre un café, généreusement offert mais qu'il ne remerciera pas, et s'enthousiasmer à propos la superbe rentrée qui s'annonce, dans cette magnifique ville, avec ces fantastiques habitants, sur lesquels il pleut déjà des cordes.

Pourquoi avais-je dit oui ? Parce qu'on avait passé un peu moins de six jours dans la même salle, pour préparer un concours qu'il n'avait pas réussi ? Parce qu'il m'a pris pour un « mec cool » avec qui il fallait qu'il garde contact (c'est mon ego qui parle, là) ? Parce que je suis le seul qu'il connaisse dans une ville où il a débarqué il y a cinq jours, de justesse ? En temps normal, j'aurais été intéressé, aussi bien par sa justification pratique que par la raison sous-jacente, mais puisque je suis devant le fait accompli, je n'ai qu'à subir ses allées et venues.

Je suppose que j'aurais pu refuser. Effectivement, ce n'aurait pas été très gentil, et ça l'aurait foutu dans la merde, mais le personnage que je m'invente n'en aurait eu que faire. À croire que je suis bien élevé, en fin de compte, et que -plus attristant encore- je suinte la même hypocrisie allègre que mes congénères. Et ce, parce que j'écris justement un article où je tente de ne pas citer son nom alors que les détails des six premières lignes suffisent à ce qu'il se reconnaisse. Non que vous soyez si nombreux que ça à me lire, mais le lien de ce blog est disponible sur facebook, et je n'arrive toujours pas à déterminer si c'est le genre de type à écumer les profils des mecs qui réussissent mieux que lui. Je veux dire, je les écume aussi, tous, sans discrimination, mais par pure curiosité, et pour voir ce à quoi ressemblent réellement mes contacts -ce n'est pas leur wall pollué de messages d'anniversaires et de vidéos populaires qui vont m'y aider. En y réfléchissant bien, il ne doit parcourir de son curseur blanc standard que les profils de ses contacts ayant spécifié avoir un vagin.

Ces divagations n'empêcheront pas l'heure de tourner et mon portable de vibrer, avec son prénom scintillant sur l'écran. Je décroche. Sa voix enjouée, légèrement traînante, me dit qu'il est en bas. Pas de problème, je descends t'ouvrir, dis-je avant de refermer un téléphone qui marche toujours lorsque l'enfer sur terre est à l'autre bout de la ligne (insurance salesmen are for pussies, woody). Je me redresse sur mon lit, laisse boris bataillant avec ses lecteurs bornés derrière-moi et laisse passer encore quelques secondes illusoires avant de me lever, récupérer au passage mes clés qui traînent sur la table de la cuisine et d'enjamber la valise (qu'il a laissé la dernière fois et que je n'ai pas touché depuis soixante-douze heures) vers la porte.

Effectivement, il est bien dehors, sans sourire -les vrais types véritablement insupportables ne sourient pas, vous avez remarqué ?-, affublé d'un air cool qu'il a probablement acheté en soldes au marché dimanche dernier. J'ai attrapé au vol une poignée de main quasiment élastique, amorphe, et je l'ai prié de rentrer avec un grand sourire, parce je suis vachement content de le revoir. Finalement, il rentre dans mon domaine et foule mes terres, atrocement décontracté,.et Sa main balance sa valise contre une de mes étagères bancales. « Merde, désolé ! ». Il a l'air confus, et préfère aller s'asseoir sur mon lit que de s'en aller le plus vite possible.

L'ersatz de conversation qui suivit m'ennuie trop pour que mes doigts aient le courage de le taper.

Ce genre de mec est rare.

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