4.9.10

je sais que ça fait mille ans que j'ai pas écrit sur ce blog, mais j'ai des circonstances atténuantes, hein, je suis parti à shanghai, et je vis là bas.

mais j'en parle un peu ici, avec deux amis qui sont partis loin, eux aussi.

26.7.10

en fait, balzac était bret easton ellis.

c'est fou tout ce que je me mets à faire uniquement à cause de la maintenance technique chinoise. genre, ouais, je suis en F5F5F5 devant mon écran qui a six heures de décalage avec shangmerde pour espérer avoir un logement décent.

donc me voilà, je repasse juste pour vous parler de the suburbs. parce que ouais, non, vous saviez très bien qu'il était hors de question à quelque chose qui se rapproche aussi violemment du journalisme. j'ai une éthique, j'ai lu les illusions perdues, hein.

on va faire comme si j'étais un vieillard encore un peu compétent, fiché derrière le bureau d'un amphithéâtre d'une fac des années 70, et je vais plutôt fonctionner en réflexions. ça fait plus universel, et ça donne plus envie de ne pas refermer le mensuel hors de prix.

première réflexion: c'est un album pour les mecs qui aiment arcade fire. c'est un album qui parle un peu des problèmes qu'on a quand on est jeune et qu'on habite dans une ville pourrie (aka houston, tx). quand on se fait vraiment chier, et qu'on a l'impression qu'on flingue le temps. et puis ces fois où on hésite à tomber dans le piège et dans les griffes de cette ex si jolie, qui nous avait fait valser sur les plages de l'été dernier. ou bien, tu sais quand on voit que c'est enfin le mois de mai, ce super mois de mai où c'est bientôt la fin des cours et où les filles ressortent leurs jupes plissées, almost like month of may, everybody's in love / and the city washes from above. et ces guitares qui pètent le feu et hurlent leur joie.
deuxième réflexion: c'est un album pour les mecs qui n'aiment pas arcade fire, parce qu'il se moque un peu de tout le monde, surtout des nouveaux fans, avec leurs wayfarer de vue, leurs sebago et leurs enfances en béton. la belle tranche de rire sur rococo, la belle tranche de rire sur modern man.


en fait, le site de réservation remarche et ça fait deux fois que je me fais baiser une chambre, donc j'en ai plein le cul de cette deuxième nuit blanche de merde et j'encule arcade fire ça fait trop de fois que je l'écoute.
fin des réflexions.

25.7.10

le fax, en revanche, ça craint.

en fait, je crois que le type qui a écrit les paroles cette chanson a lu ma biographie.

j'ai jamais vraiment aimé faire des critiques/analyses/merdes d'albums, parce que j'ai jamais vraiment su en faire. mais je vais essayer, parce que c'est vrai que ça peut vous pousser à y faire plus attention.

this, is courtesy of from go to whoa et courtesy of the arcade fire.


et aussi parce que je veux montrer à vadim que rococo est de loin la meilleure et que ça n'a aucun rapport avec joy division ou depeche merde.

19.6.10

tarkovski, c'est avant tout des courants d'air.

Int. G1, Matin

(Pendant tous les crédits, bruit du radio-réveil qui va crescendo, de longs bips lancinants.)

Un radio réveil affiche sept heures quatre.

Une main tâtonne légèrement sur le dessus, puis appuie du bout du majeur sur un gros bouton au milieu.


(Un concerto de Bach, BWV 1046, ou bien This is Hell de Costello, je ne sais pas encore, commence en même temps que l'alarme s'arrête.)


Un lit aux draps blancs, un garçon, G1, encore endormi, malgré sa main qui repose sur le réveil.

Int. F1, Matin

Une fille, F1, avec un t-shirt snoopy et une queue de cheval

Elle se redresse sur son lit, à quatre pattes, puis à genoux, et retombe sur ses talons.

INT. G2, Matin

Un autre garçon, G2, beau brun aux cheveux longs, toujours dans son lit.

Il se retourne en se tortillant sous sa couette pour allumer sa cafetière. La main hésitante branche la prise (et éteint le réveil), appuie sur le bouton, puis retombe débilement.

INT. F2, Matin

La dernière fille, F2, en sous-vêtements, blonde et bien foutue

Elle se redresse, s'assied sur son lit; elle frotte ses yeux, regarde en face d'elle, l'air absent, puis baisse les yeux, légèrement à gauche. Elle se penche et attrape quelque chose avec sa main. Un paracétamol et une bouteille d'eau à moitié vide. Elle prend le cachet, puis baisse la tête, comme si elle subissait tout l'épuisement du monde.

11.6.10

je range toujours les livres à l'envers.

je pensais qu'en étant célèbre, j'aurais pu aller voir cette fille, qui boit son chocolat chaud avec son écharpe léopard et ses grands yeux perdus. je pensais que j'aurais pu lui faire imaginer que c'est la première fois que je fais ça, mais qu'elle est absolument ravissante et que j'aimerai bien lui donner rendez-vous demain place du parlement. elle aurait écarquillé les yeux, et sa copine se serait fait un torticolis pour capturer un tout petit bout de mon regard. j'aurais continué à sourire en faisant comme si je n'étais pas moi, en faisant comme si j'étais resté ce jeune qui prépare un casse, seul avec un mauvais bloc notes sur un bureau ikea.
mais non. j'ai pris le bus avec elle, j'ai pris le bus en face d'elle et je faisais mine de dévisager les enseignes groupama plutôt que la bouffer du regard. et dieu sait que les grains de beauté sont vulgaires, normalement. je suis descendu derrière sa jupe et j'ai marché derrière ses jambes. j'ai laissé sa main pousser le portail parce que je demandais à quelques petits garçons encapuchonnés devant où était la salle polyvalente. je leur ai aussi demandé une clope, en me déboîtant l'oeil pour apercevoir sa queue de cheval flotter dans un couloir au carrelage dégueulasse. les trois petits garçons n'en avaient pas, de clopes, ils n'avaient que leur sourire narquois. alors je leur ai expliqué que j'arrivais pas à donner des conférences correctes si j'avais pas une putain de blonde entre les lèvres avant, et qu'ils avaient le droit de sécher l'intervention du type qui venait pour parler de son dernier bouquin parce que je demanderai au bulldog à ce qu'il ne fasse pas l'appel. eux ont vraiment eu l'air interloqué. ils m'ont dit que c'était la classe d'être moi-même et que c'était cool de les laisser partir, même si ils aimaient vraiment ce que j'ai fait. celui avec une gueule de con s'était même retourné pour me dire que j'avais de la chance de pouvoir faire tout et n'importe quoi parce que j'étais célèbre. j'emmerde les gueules de con.
j'ai fumé ma clope en me demandant si elle sera là, et si le regard en coin qu'on me jetait depuis la cabine téléphonique, c'était parce qu'on m'avait reconnu. j'ai quand même pris un petit air de syd matters, pour bien lui montrer.
quand je suis arrivé dans cette salle, les pieds de chaise ont cessé de bouger, et les murmures ont pris fin, parce que le dieu de tous les petits terminales L avançait de son pas léger et de sa gueule d'intello cool avec une cravate. j'entendais encore les chuchotements des filles impressionnées et des garçons qui essayaient encore un peu de les draguer. il y avait une écharpe léopard qui traînait dans l'allée, alors j'ai sorti le grand jeu, avec les feux d'artifices et les aphorismes de mecs morts dans leur perruque ou dans leur moustache, je leur ai poussé à reconsidérer tout, jusqu'à leur vespa. je leur ai parlé d'amour, et je leur ai parlé d'avenir. je leur ai construit une vie dans mes projets et un rôle dans ma vie. je leur ai dit qu'ils pouvaient me suivre et me voler autour autant qu'ils voudraient, je leur ai dit que tout était de la merde, que le gouvernement était de la merde et que leurs auteurs d'ersatz contre-culturel étaient de la merde. je leur ai dit que, tout ce qui comptait, c'était ce qu'ils pensaient, ce qu'ils pensaient dans leur gorge et dans leur rate, ce qu'ils pensaient du bout des doigts et ce qu'elle pensait au creux de ses fossettes et je leur ai dit de ne pas essayer. j'ai achevé en disant que le type qui avait écrit ça ne mettait plus que son prénom sur ses cartes de visite.
dans les séries policières, ils vous expliquent qu'on peut analyser les applaudissements pour retrouver la fréquence particulière d'une fille avec une écharpe léopard. je suis célèbre, alors je sais tout faire. je l'ai vue descendre vers moi, en hésitant un peu à chaque marche, sans jamais faire de grand saut. elle est arrivée un peu trop tard, quelqu'un avait mis un nombre terrible de lycéens sautillant devant moi avec des photos et des marqueurs.

"pour lucie, s'il vous plaît"

"franchement, c'est dingue ce que vous faites, j'ai l'impression qu'on pense la même chose au même moment"

"attends, vas-y, je prends une photo, t'es trop belle quand t'es à côté de lui !"

"tu penses vraiment que je peux lui demander ça ?"

"vous en avez fait quoi, de toutes vos récompenses ? parce que je viens de gagner le prix du lycée et je ne sais pas où le mettre."

"dites, est-ce que vous prenez des stagiaires ?"

"pourquoi est-ce que vous avez fait ça après ça ? je l'aurais plutôt vu comme ça. vous en pensez quoi ?"

il n'a pas envie de savoir ce que j'en pense. elle, elle a envie de savoir ce que j'en pense, et de savoir que je ne suis pas si vieux, et pas si fort et assuré. moi, j'ai envie de savoir si le bruit du grille-pain la réveille, le matin, et si elle s'assied pour se maquiller. j'ai envie qu'on me laisse seul, et qu'on cesse d'avoir ces mains tremblantes de peur parce que je suis mieux. je n'ai pas de talent, j'ai plus d'imagination, et j'arrive à faire chier les gens correctement. pose-moi ta question, je suis humain, j'ai des gueules de bois et des chiasses à n'en plus finir. je suis seul le samedi soir en prétextant que je préfère le cinéma. je ne vais pas en backstage parce que les autres n'ont pas le droit d'y aller non plus. j'enlève ma cravate et je raconte une blague bidon, si tu veux. j'ai même signé un avant-bras gigotant et fait des caresses à des mèches parfaitement étudiées. je suis sorti par la même sortie qu'eux, parce que je suis quelqu'un qui s'intéresse beaucoup à ce que fait la jeune génération, et parce que je priais un peu pour qu'elle fume une cigarette en évitant de me regarder sortir. elle ne m'a même pas évité, parce que je l'avais prise par surprise, caché derrière un grand bouclé qui était venu exprès pour moi.
lorsqu'elle s'en alla, j'ai dit qu'il fallait que j'y aille, et ai fait claquer bottines contre le macadam en les défiant de me suivre. il y en a deux qui ont relevé le défi, sans compter le professeur qui m'avait invité et qui s'imaginait qu'on était les meilleurs potes du monde. et puis, en arrivant au café où elle s'était engouffrée, j'ai dit que j'avais envie d'une bière et je suis passé devant benoît sans le voir, j'ai demandé un whisky sec en m'accoudant au comptoir, sans avoir aucunement l'air de repérer sa table, un peu plus loin au fond, ses davidoff light et son glamour encore tout reluisant. je suis reparti voir benoît, l'ai serré dans mes bras, comme font les gens intenses, et lui ai dit que c'était bien de se voir, puisque j'étais de passage, et qu'il avait bien fait de ne pas venir me voir parler. que c'était une blague, et qu'elle n'en valait pas la peine pour ceux qui n'ont plus d'argent de poche. elle me regardait un peu, et j'essayais de ne pas le voir. ça faisait longtemps que, je n'avais pas surpris le regard d'une fille comme ça, par petites touches, en faisant comme si non, en déviant sur son arrière-plan et en relevant la tête pour allumer une clope.



j'suis défoncé, j'avais pas prévu d'écrire cette partie là et ça fait un peu chier mon corps qui tremble comme un amiral à qui on aurait enlevé ses galons donc je termine là. vous vous doutez bien que le type ne va pas voir la fille, qu'il n'a pas grand chose à dire parce que c'est son ami, qu'il commande un autre verre de whisky parce qu'il pensait que ça aurait pu lui donner de la force.
et il est rentré seul, en se disant que c'était dommage, et qu'il aurait bien aimé lui raconter des histoires pour qu'elle s'endorme.

14.5.10

combattre, fuir ou subir.

ça fait longtemps que j'avais pas eu autant d'adresses manuscrites dans ma boîte aux lettres. je crois que je n'en ai jamais eu autant, d'ailleurs. quand j'en trouve, elles sont généralement seules, ou elles ne sont pas pour moi. en même temps, maintenant, on est deux, c'est normal qu'il y en ait plus libellées à mon nom, même si elles ne me concernent pas. même hier, il n'y en avait pas autant. et j'espère qu'il n'y en aura pas autant demain. dans l'ascenseur, les mains remplies de gens concernés par ce qui m'arrive, j'ai l'impression d'être vachement important, pour une fois que je décachetterai chaque enveloppe en sachant que j'y trouverai autre chose qu'un relevé bancaire, qu'une quittance de loyer, ou qu'un prospectus pour un séminaire au titre maladroitement anglophone. mon chez-nous est toujours là, et le bruit de l'air conditionné est bien trop présent pour qu'il y ait quelqu'un d'autre que moi. j'appelle quand même son prénom, histoire de ne pas me faire engueuler si elle est là. effectivement, personne. elle doit être chez christine, encore. ou peut-être est-elle restée au bureau, se droguant aux plans communication pour l'inauguration d'un énième centre r&d dans la région. le médecin lui a pourtant de ne pas trop en faire, de voir un spécialiste, ou à la rigueur, de passer plus de temps avec moi.
je pose ma sacoche sur une chaise, et je m'asseois proprement sur le canapé, face à la baie vitrée. tallahassee ne me regarde pas, mais je ne m'en formalise pas, puisque tallahassee n'a pas regardé qui que ce soit depuis bien longtemps. ville de merde.
alors, ouais, j'ouvre les enveloppes, même si je sais déjà ce qu'il y a déjà dedans. un petit papier carré. parfois avec un joli en-tête d'une société à succès. quelques mots, griffonnés sans qu'on y fasse vraiment attention. ils me disent qu'ils sont désolés pour nous. que ça doit être très dur. qu'ils sont tous avec nous, par la pensée. qu'ils ont hâte qu'on rentre en france pour qu'on se voie, et qu'on ne doit surtout pas hésiter à les appeler, si le besoin s'en fait, ils seront toujours là. ils m'assurent qu'on s'en remet, même si c'est dur. ils comprennent bien la douleur de l'épreuve qu'on traverse.
ils comprennent peut-être ce qu'elle a traversé. c'est elle qui a perdu, le bébé, et qui a entendu le petit bruit que fit le foetus quand on l'a jeté dans la poubelle aseptisée. c'est elle qui a du me subir, moi, en réanimation, complètement à côté de la plaque, inconscient de ce qu'elle a vécu, cette chère c., essayant de lui remonter le moral. alors, oui, c'est sûrement terrible pour la petite fille qu'elle est encore, et qui a passé des nuits à me parler de cet enfant. elle avait acheté tout le mobilier nécessaire, elle rentrait plus tôt du boulot pour lire avec avidité des pavés sur la maternité. mais ce n'est pas du tout mon épreuve à moi.
ce n'est pas ma peine à moi, ce ne sont pas mes amis à moi, ce n'est pas ma ville à moi, ce n'est pas à moi qu'il faut présenter ses sincères condoléances. ce n'est pas ma vie à moi. je n'ai jamais eu envie de ce boulot, de ce quotidien, de ce canapé ou de cette vue. je n'ai pas vraiment voulu de cette femme, non plus. je la trouvais jolie, quand elle passait ses oraux, juste avant moi. et puis elle avait l'air complètement innocente. une sorte d'apparition immaculée, étrangère à tout ce qui avait pu traverser ma vie. maintenant, elle pleure tous les matins.
j'en ai rien à foutre, de votre peine partagée et de vos sincères condoléances. pour moi, c'est pas ça, une épreuve, c'est quelque chose qui nous prend vraiment tout l'espoir du monde, avec de la pluie, de la boue, des battements de coeur qu'on oublie et des frissons qui ne s'arrêtent jamais. les épreuves que j'imaginais, ce n'était pas le mauvais développement d'un embryon dans une ville côtière de floride. je ne sais pas ce que je voulais. des pistolets-laser, des trains qui déraillent, des orages artificiels et des robots-guerriers qui perdent le contrôle, mais pas de devoir mettre mon bras autour d'un corps dont je n'aime même plus l'odeur.

j'aurais pas du me marier avec la jolie blonde qui avait toujours le nez sur sa copie, pendant les partiels.

10.5.10

en cas de coup dur, je me casse.

ça n'était pas une coïncidence, ça n'était pas possible. ça n'était pas non plus orchestré par une sorte d'être divin/supérieur/architecte qui me se complaît à me voir danser dans la paume de sa main, c'était juste beaucoup trop prévisible et bien trop évident pour que je passe autant à côté.

la première de mes erreurs fut le billet de transilien qui partait avec le soleil, côte-à-côte depuis l'aube jusqu'à La Madeleine de je-ne-sais-plus-quoi. le réveil fut des plus ardus, un de ceux qui te donnent l'impression d'avoir à peine somnolé dans un bain de crasse, tant le gin tonic s'est substitué à ta transpiration. j'ai à peine eu le temps d'enfiler les mêmes fringues que la veille, de descendre deux litres d'eau et de balayer mes dents avec du mauvais dentifrice avant de trottiner faiblement jusqu'à la gare, ployant sous le poids de ma gueule. pas de douche, pas de rédemption. le bus tanguait terriblement, et même en me prenant pour un des capitaines courageux, je me retenais plus à l'ourlet de la toge de dieu qu'à ces poignées en plastique qui se balançaient devant mes lentilles desséchées. la gare était à l'image de ma boîte crânienne, grise, résonnante, et peu accueillante. checkpoint une fois assis dans le train. il y a toujours 0-0, mais le monde extérieur prend très clairement l'avantage. je règle mon ipod sur 'bass reducer' et laisse la main à pink floyd, parce que echoes est le plus easy listening qui soit et que je dois pas m'endormir sous peine de me retrouver à outreau, terminus, tout le monde descend.
cette journée va être bien trop intense pour mon état physique, chaque parcelle de mon corps va payer le prix fort d'arriver encore bourré à cette réunion de famille à deux balles. pourquoi les vieux ont-ils toujours besoin de créer des arbres généalogiques sur myheritage.com ? que les pères de famille soient contents de pouvoir se la coller sec dans une grande maison de campagne, sous le nez de sa femme et cautionné par les retrouvailles familiales, soit; mais, pour l'amour de dieu, épargnez les enfants (et, plus généralement, les jeunes qui ont un début de gueule de bois terrible). et les enfants. les enfants vont être tellement chiants. quand ils courent, au loin, en levant les bras et dodelinant du cul, c'est plutôt rigolo, je dois avouer. et puis le soleil aurait pu réchauffer petit à petit mon troisième ti punch pendant que tout le monde m'aurait foutu la paix, seul sur mon hamac comme je suis seul dans ce train. sauf que non. les enfants voudront me grimper dessus et savoir pourquoi est-ce que je fume. et qui c'est le bonhomme sur mon t-shirt. et pourquoi j'ai les cheveux longs. et pourquoi je viens pas jouer avec eux à la balancoire. seigneur, faites qu'il y ait. oh merde.
le train ne freine pas, mais c'est tout comme, l'évidence vient de se foutre sur la voie ferrée sans sommation aucune. il y aura. pour s'occuper des gamins, forcément. les hôtes la paient tellement bien quand elle vient à paris que, pour un déplacement surtaxé, l'appât du gain l'aura forcément poussé à venir baby-sitter quinze rejetons surexcités. on m'avait spécifié qu'il y en aurait une. ça ne peut être qu'elle. elle m'avait dit qu'elle l'avait déjà fait, ce genre de baby-sitting à la journée pour des réunions de grandes personnes, ce alors que j'effleurais sa main quelque part sous une église baroque (d'ailleurs, ce n'est pas une église baroque, mais le méfait d'une tendance début-du-siècle à relancer la mode baroque pour les nouveaux édifices religieux). elle sera là, forcément, c'est leur baby-sitter attitrée, c'est logique.
qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ? n'importe quel ressortissant du champ lexical de l'excuse lui donnera l'envie de m'étrangler avec ses si jolis petits doigts. pas la force de penser à quoi que ce soit d'autre. est-ce qu'on a déjà dit "salut, tu vas bien ?" à une guillotine ?
ça y est, je me traîne hors du train et remet pink floyd dans ma poche pour me jeter dans les bras de ma grande et aimante famille. avec un sourire ravi, si je veux un chèque pour noël. je ne suis même pas tendu, pour le trajet en voiture, que je suis incapable d'être en pleine descente de je-ne-sais-plus-bien-quoi (des truffes ?) ET tendu en même temps, quand bien même les jolis yeux d'une jeune fille seraient en jeu. je quitte mon enveloppe charnelle en plein dysfonctionnement pour n'être plus que pure idée, Fatalité fatiguée. qu'est-ce que je viens bien pouvoir lui dire ? à quoi est-ce que je vais bien pouvoir ressembler quand elle lèvera ses sourcils en me voyant atterrir ? "tiens, voilà au moins les vingt balles que je te dois, c'est déjà ça, non ?". ce serait amusant, mais non, pas en prenant en compte le fait qu'on sera à moins de cent mètres l'un de l'autre pendant huit heures.
l'air pur de la campagne me fouette le visage quand je me hisse hors de cette bagnole nouveau-riche, et j'ai de la peine à avancer -aussi parce que je n'ai pas fait mes lacets. si je me penche, je vomis. ses yeux brillaient tellement la dernière fois qu'elle a passé le palier de sa porte que je préfère éviter qu'elle rencontre aussi ma bile. il faut que je trouve une excuse pour ne pas l'avoir rappelée, autre que ma terreur de la revoir après cette nuit. sorryphonedeadlol. ou une excuse pour les atroces banalités que j'ai tapées sur un mail timide parce que je pensais alors que c'était cool d'être pété en écrivant à une jeune fille cultivée et de bonne famille.
c'est sa voix que j'ai entendu en premier, c'est sa voix, qui résonnait sur le carrelage de la pièce d'à-côté. sa voix qui avait enveloppé mon monde pendant une nuit, sans même qu'elle ait à enlever son soutien-gorges. celle qui avait enfin donné une définition de l'espoir dans son "tu m'écriras ?" d'adieu. et un peu celle de ma boite vocale où elle fait mine de prendre bêtement de mes nouvelles, sans que j'ai eu la force de décrocher. là, tout de suite, dans la dure réalité qui s'acharne contre ma volonté à coups de cordes vocales d'étudiante en école de commerce, je n'ai pas non plus la force. mais un grand-oncle que je n'ai jamais vu me pousse à l'intérieur, du bout de sa canne, comme dans un ring où je fixe mes chaussures, et où j'ai presque envie de refaire ces lacets plutôt que de croiser ses yeux bleus (quelle genre de meuf a les yeux bleus, de nos jours, à part les blondes sur myspace et les supporting characters des films de sundance ?).
raté. elle les lève au moment où je perds le contrôle des miens. le temps ne se fige pas, les mouches ne cessent pas de vrombir, ce moment ne semble pas durer des heures, il dure VRAIMENT le temps d'une vie. on aurait presque pu fonder une famille et avoir des petits-enfants. j'exagère. mais on aurait facilement pu épeler le mot awkward une demi-douzaine de fois. elle a souri. j'ai tendu les muscles de mes lèvres en retour et j'ai contourné le canapé par l'autre côté pour chercher un verre d'eau et un havre de paix. elle est là, elle est réelle, qu'est-ce que je fais, putain !? un autre verre d'eau. un autre. putain, ce verre est un verre à pinte volé dans un pub, c'est de l'acharnement thérapeutique, là. je peux jouer la carte du type qui savait qu'elle viendrait là et qui ne veut la voir qu'en vrai. faux. j'envoie des lettres à tout le monde sauf à elle. je suis plus crédible, je suis à découvert, en plein terrain miné, je vais finir avec des bleus partout.
une tante me prend par le bras et me ramène me présenter à ses consanguins dans le ring. digne, tant bien que sale, je me plante dos à la plus jolie de toutes pour faire connaissance de louison, qui a bien connu mon grand-père, et qui est content de voir tout ce beau monde parce que c'est la jeune génération qui compte. je dis oui, je prends l'air impliqué dans son bullshit sénile, et mes yeux perdent le focus de son double menton. focus sur la table de droite. focus sur une sorte de robot inanimé sur la cheminée. focus sur le miroir derrière louison et, à travers le miroir, focus dans des yeux bleus de fille de mes rêves qui brûlent mon échine comme ces enfants en larmes qu'on croise dans la rue et comme ces jeunes hommes tout seuls qui regardent les filles danser en boite de nuit et comme ce mec avec une cravate rose et les cheveux en brosse qui admire la lumière d'automne dans les marronniers de la municipalité, et comme ces mères qui soupirent au téléphone dans la queue du super-marché, et comme ces vendeuses de vêtements moches qui essaient de s'asseoir sans que leur boss ne les voit et comme ces chiens qui courent derrière des sacs plastiques blancs sans jamais s'arrêter et comme ces clochards qui te parlent poliment et comme ces avions qui arrivent à l'heure et comme ces chansons qui ne te déçoivent jamais, comme ces lèvres qui se fichent dans ta paume. focus sur le monde et son contraire, sur tout son amour, sa tristesse, sa merde et sa fatigue. alors je dis oui, je dis bien sûr et je dis quand vous voudrez, au contraire, ça me fait plaisir, oncle louison, et quand tu veux, toi aussi, délicieuse petite a. à qui je n'aurais jamais le courage de donner une réalité, de dire bonjour et d'écrire cette lettre que tu mérites mille fois plus que les autres.


et puis, après tout, on ne s'est vus qu'une fois, j'étais pas bien, je suis parti chercher du doliprane, et ne suis jamais revenu. j'avais un peu peur que tu t'échappes du miroir.

28.4.10

TU M'ENTENDS, ENCULE ?

je ne pardonnerai jamais, jamais, à stanley d'avoir choisi cette espèce de pouffiasse blonde, vieille et bourrelettée comme incarnation de la plus jolie petite fille des livres, et d'avoir filé clés-en-main un ersatz d'odalisque vulgaire à tous les bloggeurs hypes de la planète qui ont mis trois ans à réaliser que nabokov n'était pas un cadre du Parti et quelques secondes à uploader Sue Lyon en bannière de leur mauvais blog.

je m'étais auto-promis d'éviter les articles coups de gueule et polémique, chuis désolé, bla, bla, mais c'est devenu beaucoup trop envahissant pour que mon écran reste blanc.

quand je serai grand, je serai pas content.

-putain. tu veux bien éteindre ce réveil ?

-...

-appuie juste sur le bouton de gauche, ça enlève ces bips à la con. après y'a la radio.

-...

-le truc sur la littérature, à dix heures. je me souviens jamais de quoi ça parle, mais c'est cool.

-...

-ouais, bon, d'accord, je le fais. ça m'obligera à me lever.

-...

-ah, bordel. je sens la journée de merde. vraiment. ça t'arrive jamais, ce genre de prémonition qui te pourrit dès le matin ?

-...

-wah, t'as vu ? je suis debout en moins de cinq minutes. je sais, ça t'épate. tu sais si il reste de quoi petit-déjeuner ?*

-...

-non, forcément, j'ai tout fini hier et c'est pas toi qui allait racheter quoi que ce soit. je t'envie parfois, tu sais ? tu veux du thé ?

-...

-de toutes façons, il sera mauvais. je sais, je devrais pas le faire au micro-ondes, mais les casseroles sont sales. ce serait bien si tu pouvais t'en occuper, une fois.

-...

-...

-...

-avec beaucoup de sucre, il est pas si mauvais, ce thé, en fin de compte. t'en veux pas, t'es catégorique ?

-...

-bon, je vais prendre une douche, alors, j'en ai bien besoin. je te laisse la radio.

-...

-wah, ça fait foutrement du bien. d'ailleurs, j'ai pensé à un truc sous... PUTAIN J'SUIS EN RETARD.

-...

-ouais, forcément, ça te fait rien, tu restes ici à ne rien glander toute la journée, la vie est belle. merde, je sais pas où sont mes pompes.

-...

-non, je dis pas ça pour être méchant, mais ça reste la vérité, je suis désolé.

-...

-ok, d'accord, ça va, je m'excuse. tu sais pas où j'ai balancé mes clés, hier, plutôt ?

-...

-je me demande pourquoi t'es là, parfois.

-...

-bon, j'y vais. si on sonne à la porte, ne t'embête pas, ils repasseront.

-...

-courage à toi aussi.




en même temps, elle ne va pas faire grand-chose, c'est juste une photo.

20.4.10

chérie, fais-moi rire.

je suis désolé, m.

ça peut paraître lâche, de t'écrire comme ça, mais c'est une manière comme une autre de s'exprimer, et je trouve ça plus joli, et puis j'aime bien rédiger des lettres, et puis je t'emmerde.

ne nous taquinons pas à tourner autour du pot, et je t'épargnerai le bullshit habituel que je réserve aux filles qui ont des grands yeux comme les tiens. ce n'est pas à cause de tes ronflements que je n'ai pas envie de te revoir. ce n'est pas non plus à cause de tes yeux ébahis quand je te dis que je n'ai pas envie de te baiser, pas ce soir, ni à cause de ton impression constante que tu es quelqu'un de fantastique quand, vraiment, eux et toi c'est la même différence. ce n'est pas non plus à cause de ton parfum qui me rappelle beaucoup trop cette fille dans le bus qui allait à covent garden. encore que.
en fait, c'est con, c'est à cause d'hier soir, parce que tu as préféré te la coller avec tes potes au vin blanc et à la vodka plutôt qu'avec les miens, au mauvais rhum et à la bière. je ne dis pas qu'on s'est pas amusés. je ne dis pas que tu ne t'es pas amusée, à embrasser tout ce qui bougeait dès que tu rencontras mr. poliakov, pour faire naître en moi un tout petit sentiment de jalousie. tu ne saura jamais ce que c'est, ma jalousie, et je serai christian dans une autre vie, avec une autre fille, à défaut de me sentir un plus gros nez.
alors, oui, c'est con. tes amis écoutent de la bonne musique, ils sont gays et elles sont méga-bonnes (au choix). ils font la fête dans des appartements exigus avec des posters de richard avedon tout partout, parce que les maisons sont pour les bourgeois et les rues pour les hippies. ils rigolent bien, ensemble, ils parlent de tout et de n'importe quoi, du moment que je ne connais pas la personne sur qui ils crachent ou le remix qui ne marchera pas. ils parlent d'art, ils parlent des derniers films et des albums qui ont leaké au jour le jour et ils sont terriblement satisfaits de connaître l'astuce du site:mediafire.com. ils portent des vêtements aux couleurs qui vont ensemble, dont les manches ne cachent pas leurs mains et qui n'affichent pas de message pseudo-alternatif sur un t-shirt noir. ils trouvent ça trop cool que j'ai réussi à récupérer les superskate adidas skywalker parce que maintenant elles sont en rupture de stock et ils repèrent au premier coup d'oeil si ma cravate est une hermès ou pas.
tu me connais un peu, quand même, je te le concède, et je serai volontiers venu, ce soir encore, assister à un concert de rock sub-proto-garage dans un entrepôt vidé par des mecs en hoodie american apparel mais faut pas déconner, hier j'avais mieux à faire, j'avais mes potes à moi.

mes potes à moi sont des loosers. la plupart ne sont pas beaux, ne connaissent quasiment rien en matière qui soit sorti après 2007, et font peu, ou pas d'études. l'art les ennuie, ils vont au cinéma pour se divertir, et se foutent de savoir si la post-prod du dernier herzog était bâclée. ils ont cinq, voire six livres chez eux, qu'ils ne lisent pas. ils ne savent pas que uffie n'est plus cool et ils claquent soixante balles pour aller voir iron maiden parce que tous les autres bons groupes sont morts. ils topent 200€ de très bonne herbe toutes les trois semaines, font pousser chez eux et on dirait qu'ils ont leurs règles quand ils n'ont pas bu de d'alcool depuis deux jours. certains n'ont pas le bac. ils n'arrivent pas à dormir, mais ils arrivent à vomir en marchant. ils viennent me chercher à la gare en s'excusant parce qu'ils sont défoncés mais ils ne peuvent pas me ramener parce que leurs parents ont enfin levé l'interdiction qu'ils avaient de pénétrer dans le domicile familial. ils trouvent que nova c'est cool, pas parce que c'est une radio simili-déviante, mais parce que la musique est marrante la nuit, et ils se foutent de la fréquence de france inter. quand leurs chaussures ont des trous, ils vont racheter les mêmes, ou alors dépenser deux cent euros pour une paire qu'ils mettront deux fois parce qu'on leur aura dit qu'elle est moche. ils ne savent pas ce qui se passe dans le monde, mais ils s'en foutent parce qu'ils ont leur monde. je n'ai pas besoin de leur demander si ils savent que leur comportement reflète la vision qu'avait pascal de l'ennui et du divertissement, parce qu'ils savent ce qui est important, me rient au nez et resservent un whisky-coca. ils gardent toujours le whisky-coca pour le lever du soleil et je n'ai pas besoin de brailler "daybreak, gentlemen" pour qu'ils saisissent l'instant présent aussi bien que joyce. ils ne prennent pas de mes nouvelles, mais m'appellent bourrés au bout d'un mois pour me narguer parce qu'ils viennent d'acheter un kebab. il suffit que l'un d'entre eux me lâche un "toi aussi ?" quand on vient de trouver la même signification à quelque chose de complètement improbable pour que j'ai envie de revoir la fin de supergrave.

ceci est entrain de dériver salement à la déclaration d'amour en abandonnant lâchement la lettre de rupture, mais ça t'apprendra. j'aurais aimé te les écrire comme je les ressent, et te faire partager un peu, une unique fois, ce que c'est que d'être bien entouré. impossible. autant écouter indochine pour me réveiller.
et si je savais par où commencer, chaque mot plaqué sur ce papier leur arracherait leur intégrité, leur crédibilité et leur sourire. mes potes ne sont pas les clichés américano-téstostéroneux qui se limitent à mettre une main sur l'épaule au moment où on va se sacrifier pour la patrie. eux te sourient, quand ça va mal, pour te dire que t'es une baltringue, et qu'il n'y a que les baltringues qui ne se reprennent pas; ils te sourient quand ça va bien et ils en profitent pour te prendre dans leurs bras parce qu'ils sont heureux que tu sois là, et que t'aies amené un pack de 24, à défaut du fric que tu leur dois.

je sais que j'ai un rythme de vie beaucoup plus sain, que j'ai des fréquentations qui me tirent bien plus vers le haut, des études qui paieront beaucoup plus et une vie qui s'annonce bien plus confortable que la leur. même si je dois crouler sous l'or et les soirées tendances, m., ce seront ces trois ou quatre types, profils bas et têtes hautes, qui m'entretiendront.

j'aime mes potes.

13.4.10

pisse dans l'âtre, dieu ne dira rien.

il fait beau, aujourd'hui et, fait exceptionnel, je suis sorti de chez moi pour prendre un café avec une amie, aussi grasse qu'inoffensive (quoi que pas tout à fait innocente, mais c'est une autre histoire). j'ai sorti mes chaussures d'invincibilité et ma chemise d'éternité et, hardi petit, m'en voilà parti mater allègrement les lycéennes coquines (avé, mr. dorcel) avant de me faire offrir un expresso en plein territoire bobo. j'ai l'impression qu'elles sont nées avec leurs vestes militaires, leurs robes en coton et leurs espadrilles, mais dieu que leur jambes ne me lassent jamais. il y en a qui me regardent. pas mal, même, mais je mets ça sur le compte de mes lèvres qui bougent toutes seules à cause des knopfler bros et de leurs refrains à deux balles. celles qui ont les cheveux les plus blonds ne me regardent pas, et quand j'ai droit au haussement de sourcils de la femme de ma vie devant pimkie, le cor bat la retraite et je finis par rejoindre L. j'étais censé être en avance, je crois, mais son air exaspéré m'assure du contraire. sois exaspérée autant que tu le souhaites, ma grosse, du moment que tu me prêtes deux euros.
je ne sais plus vraiment ce qu'on a dit. c'était intéressant, divertissant du moins, même si le clochard d'en face n'en avait pas l'air persuadé. je crois que je me suis moqué de son copain et qu'elle ne l'a pas défendu, avec ce petit rire nasal qui affiche les néons "baise-moi" au-dessus de sa tête. j'ai dit que je voulais rencontrer sa mère pour me marrer parce que sa mère est folle, et elle l'a bien pris. le reste appartient aux pavés de la place H. en terrasse, je regardais toujours les filles. j'en ai reconnu une ou deux, de derrière les pupitres. et puis il y a eu la voix rauque et familière de cette espèce d'assemblage d'os qui m'a fait me retourner. à côté d'elle, il y avait une ex. le genre de filles qui n'existent que de deux manières. soit elles sont les plus merveilleuses du monde et elles se marieront forcément avec un type tellement cool que tu ne pourras jamais test leur quotidient, soit ce sont les plus gros thons de la terre et tu te sens obligé de glisser dans leurs boîtes aux lettres des mémos leur rappelant qu'elles ne valent rien. d'habitude, je suis gentil et convivial avec mes ex. là, c'est un type 2. disons plutôt type 2 'tête de chacal', ça sonne plus juste, et ça tape plus fort. me voilà debout, tout miel et tout sourire, esquivant des éclairs de haine si féroces que je pourrais presque la prendre en photo, la vendre et me payer mon voyage retour. je tends la main, et elle essaie de la déchirer avec ses ongles rongés. engagement.
-bonjour m.
-...
-tu vas bien ?
-ouiiiii. à merveille. et toi ? comment se passe ta nouvelle vie ?
(elle redoutait terriblement cette nouvelle vie quand elle refusait de m'envoyer des lettres d'amour, et que le bac faisait encore peur)
-comme tu l'avais imaginée. y'a que des meufs trop bonnes à la fac.
-super, je suis ravie pour toi, tu m'excuses il faut que j'y aille, hein, on est pas tous aussi cools que toi.
(insérer ici sa gerbe d'ironie souriante, à défaut de la gerbe d'anémones de l'hiver 2009. ou 2008, je ne sais plus. mais elle avait été impressionnée)

elle s'en va, sautillant de nénuphars en nénuphars, quand j'ose attraper sa robe rose (dieu, elle a toujours cette saleté ?) pour qu'elle se retourne d'un geste énervé, faisant voltiger ses seins qui pendent dans mon espace aérien.

-quoi, qu'est-ce que tu veux ?
-...
-je peux me casser ?
-ouais, nan, je croyais juste qu'on aurait le droit de se foutre un peu sur la gueule, qu'on se lâche des crasses sur la place publique et qu'on fasse pleuvoir les coups de crosse. un peu de nerf, m., montre-moi que je suis un connard, que je ne t'ai pas laissée indemne.
-que tu ne m'as pas laissée quoi ?

et elle s'est retournée et elle est repartie avec sa pote. devant la superbe, beau joueur, j'ai fait une révérence qui a un peu fait rire le clochard d'en face, éternellement là.

si on ne peut même plus s'engueuler avec une fille qui a des milliers de dossiers sur vous, à quoi bon me rasseoir pour finir ce café ? cette phrase n'a pas de sens, mais il fallait bien que je m'en aille, d'une manière ou d'une autre.


pour aller voir, défait, le maréchal des logis, quelques rues plus loin. mais c'est un autre portrait qui n'a pas sa place près de la canidé.

7.4.10

j'oublie toujours de mettre un titre.

les mecs qui me racontent que, pour écrire, il faut qu'ils soient dans un état spécial, un contexte pas comme les autres, qu'ils soient coupés du monde, je les toujours pris pour des cons. des types qui ne savent pas de quoi ils parlent, qui ne savent pas se donner la peine, et qui croient encore que le but de toute vie est la composition d'un sonnet en haut d'une montagne enneigée. je prie pour qu'un skieur se ramasse dans leurs feuillets moleskine. sauf que, voilà, ils n'ont pas si tort que ça. je n'arrive plus tellement à écrire quand je suis de retour à bordeaux; la vie ici est trop simple pour que je clique sur nouveau message. j'ai de la bouffe à volonté, super chère et super bonne, j'ai un petit frère en vénération, une mère qui ne pense plus que par mon bien-être et une xbox qui soigne mes gueules de bois répétées. j'ai des amis qui se foutent de me voir recaler par un grand renoi chez Auchan parce que j'avais la flemme de mettre des chaussures, et je me fous de les retrouver, après un mois de non-regrets, avachis sur leur canapé, devant un reportage de LCP, emmitouflés dans des serviettes de bain, complètement défoncés.
il fait beau, il fait chaud, je me contrefous des milliers de sac vanessa bruno qui défilent sous ma fenêtre parce que ce n'est plus mon problème. je révise quand je veux. mes fringues se lavent tout seuls, je croise des connaissances qui m'invitent à assumer avec eux leur binge drinking dans des appartements sales. je ne vais pas voir de concert. je ne vais pas au cinéma. je lis dans un hamac.

là, pour l'instant, je n'ai plus besoin d'exutoire électronique, je n'ai plus besoin d'imaginer autre chose, de raconter des histoires sans queue ni bite. mon apathie est totale, c'est ma couette perpétuelle, et je vais descendre ne rien dire à la personne qui fait du bordel dans la cuisine, juste parce que c'est génial d'avoir un étage.

31.3.10

dès que j'ai torché cet article, je fume une clope.

Allez savoir pourquoi est-ce qu'il gardait son bonnet à l'intérieur du bar. Si il voulait impressionner les filles qu'il aurait sûrement d'ici à ce que le soleil se lève, on était du mauvais côté de la rue. En face, la jet-set provinciale se délecte de verres de vin en jouant au billard, au rythme des motos-crottes qui défilent devant leurs ersatz de ray-ban multicolores. J'avais insisté pour qu'on délaisse l'Apollo (quel genre de con inconscient peut appeler son bar l'Apollo ?) et qu'on triple le chiffre d'affaires du PMU d'en face en y prenant deux pintes. Et maintenant, les trois vieillards avachis au comptoir fixent son bonnet de leurs yeux luisants, ravis d'avoir un peu de distraction. Je prends une inspiration, puis une gorgée de mauvaise bière:

- Tu sais, j'ai une théorie.
- Sur quoi ?
- Sur pourquoi est-ce qu'il y a tant de monde autour de moi que je trouve terriblement insipide. Et j'emmerde ton sourire en coin.
- Vas-y.
- Ben, pour te situer le truc, je prenais un café place de l'Utopia, avant la grande salope qui est partie m'oublier à l'école du Louvre, et on subissait la conversation de deux meufs derrière nous. Sincèrement, elles avaient pas l'air particulièrement connes. Elles s'exprimaient correctement, quoi. Quand celle qui n'est plus que la meuf au gros seins m'ayant payé un café partit pisser, j'ai écouté leur conversation, parce que je refusais de déchirer un emballage de sucre en poudre comme font tous les stressés pubères.
- Ça se comprend.
- Ouais, non, tu peux pas comprendre parce qu'elles n'étaient même pas jolies. Bref. Donc l'une des deux raconte un truc, son week-end, je crois, où elle devait passer une sorte de concours de chant lyrique...
- Bourgeoise.
- C'est ça. Donc, elle a plus ou moins passé deux jours à faire ce qu'elle aime avec toutes ses camarades de conservatoire, ou je ne sais pas comment tu appelles ça, et elle a adoré ça, vu le ton de sa voix. Et puis, ça s'est dégradé, salement, son timbre a commencé à vaciller dès lors qu'elle expliquait qu'elle s'était faite voler la première place par une pute qui ne le méritait pas et qui lui avait aussi volé son copain, ou essayé de voler son copain, mais on s'en branle un peu, de ça.
- Ouais, carrément, ce bar schlingue, dépêche, et viens-en au fait.
- Crève. Donc, la meuf sort un truc qui m'a un peu perturbé. Elle a dit, si je m'en souviens bien, "je n'avais jamais pleuré de révolte, avant". Et là, je me suis retourné discrètement, genre je galère à allumer ma clope dans le vent et ça se voyait, mec. Sur son visage, on voyait qu'elle avait pleuré de révolte. Je veux dire, elle était maquillée, elle sirotait son cappuccino comme une grande fille, tout était pour le mieux autour d'elle, mais moi je le savais. Je vais pas te taper une description à deux balles, mais il y avait quelque chose quelque part dans sa gueule qui hurlait à la face du monde que, non, elle n'était plus dupe, qu'elle avait mis son doigt dans l'oeil de dieu, que c'était un connard aléatoire, et qu'elle n'attendait plus rien du reste.
- Genre t'as vu tout ça sur son visage.

Je me tais, finis mon verre.

- Mon point, c'est que, au-delà de la révolte, les seules personnes que j'estime vraiment sont celles qui savent pleurer. Le rire, tu fous un marocain sur scène et il se fait bidonner toute la France. La poésie, tu travailles ta com' à la Fnac et à Virgin pour les vendre comme des petits pains en alexandrins. La musique, tu regardes la Nouvelle Star pour compenser ton manque béant de talent sans faire quoi que ce soit pour y remédier. Je te passe tous les autres trucs que des moustachus du dix-septième siècle ont pu trouver pour définir l'humanité. Le fait est que nous sommes trop peu nombreux à prendre notre pied au milieu de nos larmes, à savoir que notre désespoir nous inonde de bonheur, où ne serait-ce qu'à déverser nos réserves lacrymales sur des détails auxquels personne ne fait attention. Ce n'est pas forcément un signe de faiblesse, c'est juste la preuve obscène qu'on assume le fait d'être nuls. D'ailleurs, la fille, elle, elle est repartie avec le sourire.

Il ne dit rien, soulève ses sourcils, mais ne pipe mot. Moi, je n'ai plus rien à boire, donc j'enchaîne.

- Et je crois que je ne t'ai jamais vu pleurer.

- C'est normal, je suis pas une tapette.

23.3.10

vu à la télé.

there has been some complaints, comme quoi il n'y avait pas de rigueur dans ce blog, qu'il n'y avait aucune continuité, qu'on aimerait bien voir à quoi ressemblerait une suite d'extraits qui se suivent et se mélangent.

alors, bon, je n'ai aucune idée de l'image que je donne là-dessus, probablement celle d'un dégénéré, drogué et déliquescent, mais le fait est que j'ai toujours eu envie d'écrire des histoires pour enfants. enfin, d'écrire des histoires ayant pour prétexte des enfants mais qui s'adresseraient tout autant aux grands.

donc, c'est fait, c'est tout frais, et ça s'appelle Son Imagination Danse Toujours, et ça racontera les aventures d'Albéric, petit d'abord, puis grand ensuite.

22.3.10

le post le plus triste de ce dimanche disparu

Salut si je viens sûr se forum aujourdui c'est que je sais depuis pas mal de temps maintenant que j'ai des problèmes. J'ai 18 ans et un enfant de 8 mois. Mon copain est tunisien on est ensemble depuis 2ans et on ne s'entend plus.. Etant petite j'ai beaucoup souffert avec un père qui me maltraite qui m'insulte a longueur de temps.... Puis a mes 14 ans après la séparation de mes parents j'ai commencer a sortir a fréquenter de gens pas bien faire des bêtises et avec ma faiblesse des hommes mont fait de fausses promesses et j'y est cru et vite était déçu. Mes parents ne soccupait plus de moi il s'en foutait. Puis a 16 ans j'ai rencontrer mon copain il en avait 25.il était sans papiers. 6 mois après mon père las virer de chez lui et suis aller vivre chez une tante avec mon copain.puis 3mois plus tard j'ai étai enceinte et mon copain a eût ses papiers. Puis j'ai accoucher, mon copain est rester. De la notre relation s'est dégrader et on s'est frapper dessus insulter fait beaucoup de mal. Je sais que c'est de ma faute parceque je sens que j'ai quelque choses qui va pas. Je m'énerve vite je suis triste a longueur de temps je pleure j'insulte je suis devenu jalouse de tout.de toutes les filles qui passent de tout les couples ...je me sens moche horrible.... De plus ma mère las lâcher preferant ses hommes a moi et je n'est pratiquement aucun contact avec elle. Depuis quelques temps mon copain est parti travailler loin d'ici et j'ne le vois q'une fois par mois et on trouve encore a se disputer. Je ne suis pas bien je sens que j'ai un problème dans ma tête, sinon ma vie ne serai pas aussi nul..mon fils l'aide a tenir mais je me sens seul et personne n'est la pour moi.. Je suis a bout je ne sais plus quoi faire, mon ami me soutiens plus me délaisse et j'aimerai de l'aide svp

18.3.10

au moins, j'aurai vu ingrid libre.

Je n'aime pas répondre au téléphone. Non pas que je calque toute mon existence sur ce que fait Tyler Durden, je n'aime juste pas devoir interrompre ce que je fais pour devoir parler à quelqu'un qui s'octroie le droit de me déranger. Surtout tard, chez moi, en train de me battre avec ce filet de saumon pour qu'il se laisse manger. Seulement, je suis jeune, et je sous-estime ce qu'on peut apprendre en décrochant par inadvertance. Parce que le monde n'a pas forcément les couilles de venir frapper à ta porte pour te le dire en face, et pour t'expliquer que tu ne sers plus à rien, mais qu'on est désolé et qu'on pensait qu'il fallait que tu saches parce que tu m'as l'air d'un gars solide.

Je résume et je déforme, mais c'est à peu près ce que la voix grésillante à l'autre bout de la ligne m'a dit. Enfin, ce que j'ai compris, c'est que d'ici quelques mois (il a dit un an, mais quand on se présente en disant « Bonjour, Dr. X, à l'appareil, spécialiste en maladies infectieuses », on a tendance à être un peu trop optimiste) je serai probablement mort, le diagnostic est encore réservé, mais qu'il n'y a pas à s'inquiéter, qu'il existe des traitements expérimentaux, que je suis éligible pour un de ces programmes, que tout est encore possible, et qu'il ne faut surtout pas baisser les bras. Je ne fais plus tellement attention à ce qu'il raconte. Si je baisse les bras, je fais tomber ma poêle et je n'ai plus rien à manger ce soir, et j'en ai marre de devoir affronter le regard de la jeune-étudiante-modèle-mais-pauvre du MacDo qui voit bien que je suis incapable de prendre en main mon régime alimentaire. Pourtant, pendant un moment, j'ai bien envie d'y aller quand même, de me moquer d'elle parce que je fais de meilleures études, que mes parents sont plus riches, que mes amis sont plus intéressants et que mes amies sont plus belles, de lui commander n'importe quoi, avec cinq bières en plus, parce que l'argent ne me servira pas à graisser la patte des vers qui boufferont mon cadavre. L'idée d'un bakchich sous-terrain me fait un peu rire, en faire une armée et attaquer les magasins Marithé & François Girbaud pour diffamation publicitaire.

Je croyais que j'avais raccroché, mais l'éminent spécialiste continue sa logorrhée sur les tenants et les aboutissants de ma transformation prochaine en un tas de cendre, parce qu'il y aura forcément un con dans mon entourage pour vouloir me foutre dans une urne et me balancer du haut d'une falaise de Provence en écoutant Perfect Day. J'encule la Provence. Je l'entends me dire qu'il serait bien qu'on se voit demain, dans son bureau payé par des morts pour qu'on discute des éventuelles solutions que des fainéants vivantes tentent de trouver. Ce serait avec plaisir, mon bon docteur et, au risque de vous sembler brutal, voire quelque peu instable, allez-vous faire foutre. Je n'aurais peut-être pas du ajouter ça, mais j'ai raccroché avant même qu'il ne lance son programme psychologie compréhensive et que Freud déverse toutes ses théories sur mon petit être vacillant. Quel genre de docteur prévient des inconnus qu'ils sont foutus à neuf heures du soir ? Certes, le type est incompétent, mais les horaires se tiennent. Le numéro est celui du centre d'analyse où j'avais accompagné un ami se faire tester pour d'éventuelles MST, et la jolie infirmière a tenu à ce que j'en fasse un aussi, c'est gratuit, mais j'avais essayé de la convaincre que c'était une perte de temps parce que je détestais coucher avec qui que ce soit, et que ma vie n'était que platonisme. Elle pouffait de rire quand elle a sorti l'aiguille. Le type avec qui j'étais venu n'a pas eu de mauvaises nouvelles, principalement parce que ce test n'avait pour but que de flatter son ego en se disant qu'il avait couché avec suffisamment de filles pour avoir de l'herpès. Moi, on m'a rappelé pour que je vienne en faire d'autres, et l'infirmière jolie n'était plus là, c'était un grand black engoncé dans sa tunique verdâtre qui s'est occupé de moi, et j'avais les boules parce qu'il me rassurait en me disant que je n'avais aucune MST ni IST. Je m'en branle, mon grand, je suis en train de rater la dernière séance de La Baie Sanglante, et je devais y amener la mi-jolie mi-populaire qui me courait après dans les couloirs de la fac pour me demander si je pouvais envoyer mon exposé sur la boîte mail commune, avec ses yeux fixés sur mes lèvres, et j'ai dit oui et si tu veux tu peux m'accompagner voir la rétrospective Mario Bava ce soir oh oui j'en serai ravie super ce soir à six heures devant le cinéma de la place de la leucémie mais si on doit s'asseoir à côté s'il te plait mets un autre parfum hein quoi non rien à ce soir. Il a enlevé l'aiguille et j'ai eu le droit de partir sans demander mon reste. Même pas pris un de ces caramels sur le comptoir de l'accueil. Je ne dois pas m'inquiéter, ils vont me rappeler.

Le saumon est cuit mais j'ai la flemme de laver une casserole pour rajouter du riz alors je l'engouffre comme un gros porc personne ne me regarde, j'essuie mes babines et j'enfile mon blouson pour aller au MacDo, erreur de débutant, il n'y a rien de plus glauque qu'un Maxi Best Of tout seul, même si c'est un 280 et que le mec qui l'a préparé m'a mis un extra de cheddar. Raekwon m'empêche de marcher dans le silence glacial de ma ville hibernant, j'essaie de ne pas croiser le regard du clochard du tunnel qui veut me demander une clope, et je traverse sans m'arrêter le passage clouté où tout le monde attend le passage au rouge du feu tricolore. Je les ai sûrement impressionnés, mais j'avais jeté un petit coup d'œil avant pour m'assurer que les voitures étaient suffisamment espacées et que je ne finisse pas écrasé. Il fait tellement bon une fois arrivé que je ne rechigne pas à dépenser une douzaine d'euros pour des menus que je ne finirai pas, et je gratifie même le videur lobotomisé d'un sourire qui se veut tout sauf condescendant, mais qu'il aura sûrement pris comme tel. Les marches sont glissantes, l'odeur est lourde mais terriblement alléchante, l'éclairage donne l'impression que tout à l'étage est d'un beige délavé. S'y reflètent vaguement quelques mèches trop brunes et les poils d'un balai désespéré.

Je me laisse tomber contre une banquette en cuir, dans le coin, où j'ai une vision d'ensemble des catastrophes de la vie en province. Je range tranquillement mon blouson, mon iPod et, de retour parmi les bruitages de la vie réelle, je fourre un morceau de burger, je ne sais pas lequel, dans ma bouche affamée. Trois petites lycéennes qui regrettent leur salade me jettent un coup d'œil, un écran d'ordinateur a pris le contrôle du mec en face de moi, et quelques reubeus discutent bien trop fort du bled. Pendant que je mâche, une pensée me traverse l'esprit: est-ce que la junk/delicious food est compatible avec mon organisme chancelant ? Je ne sais pas. Je demanderai au docteur X demain, quand il m'expliquera exactement pourquoi je n'ai plus le droit de voir mes 20 ans seul sur la baie de Ha Long. C'est con, j'aurai bien aimé la voir en vrai, tout seul, avec quelques pêcheurs et leurs cormorans. J'aurais pu me prendre pour James Bond. Ou pour Humphrey Bogart, mais ça dépend si il aimait l'alcool de riz (dans mon souvenir, c'est plutôt dégueulasse). Est-ce que j'aurai le temps de pouvoir partir dans un autre pays ? Maman ne pourra pas me refuser de me financer le voyage, une fois qu'elle aura un peu encaissé la nouvelle. Quoiqu'elle voudra peut-être me garder pour elle, près d'elle. La plus vieille des trois lycéennes ressemble de plus en plus à C., au fur et à mesure que je descends mes bières pour accompagner un steak aux origines douteuses. Il faudra que j'envoie cette lettre d'amour, d'ailleurs, maintenant que les conséquences sont évanouies; foutu pour foutu, autant emporter sa stabilité émotionnelle avec mon avenir, histoire que je marque ma disparition dans ces tripes. C'est drôle, je n'avais jamais pensé aux tripes d'une fille, avant. Elle sera peut-être à l'enterrement. Ça dépend si mon père veut que je sois enterré avec sa famille ou si c'est l'avis de ma mère qui prédominera. Ou bien j'irai m'enterrer dans ce cimetière qui a battu tous les records de profanation en 2009, histoire d'avoir une chance de prendre une dernière goulée d'air pur avant que la BAC scandalisée ne me remette dans mon caveau.

Deuxième burger, quatrième bière. Donc, dans le pire des cas, il me reste trois petits mois. Je vais pouvoir demander un super cadeau pour mon anniversaire. Glastonbury gratos, peut-être. J'emmènerai mon frère pour voir une dernière fois si c'est vraiment un gros con. Est-ce que quelqu'un connait mon mot de passe pour supprimer mes différentes cyber-vies ? Probablement pas, je gagnerai peut-être des followers en twittant l'au-delà, et dladsa pourra devenir unique en son genre si je mets en brouillon suffisamment d'articles pour faire comme si j'étais encore en vie. PS: I love you sans l'irlandais vagissant. Merde, je ne pourrai pas non plus voir tous ces films que j'avais marqué sur un papier que j'ai perdu. Tarkovski, pour faire plaisir à Papa. Diffuser le Rocky Horror au milieu du prochain débat entre GSU et UMPGE. À la rigueur, c'est encore jouable, ça. Je n'ai pas trouvé de salle de cinéma qui fasse des séances à minuit et où j'aurais pu apprendre à devenir projectionniste. Est-ce qu'on met moins de trois mois pour apprendre ce métier ? Si je leur dis que je suis mourant et que je ne veux pas être payé, c'est possible, non ? Je n'aurai pas le temps de finir Kerouac dans le texte. Ni Spinoza. Encore moins comprendre Nietzsche. Quoiqu'il existe des podcasts du collège de France sur tout ce qui est obscur et incompréhensible, donc parmi lesquels il y aura sûrement un résumé de son œuvre, ce qui suffira amplement du moment que je puisse impressionner le conducteur de bus avec Le Gai Savoir qui sort de ma poche.
J'ouvre la dernière boite de 280, mais je n'ai plus de bières. Impossible que je fasse l'inventaire de mes dernières divagations de mortel sans l'air triomphant du type qui se bourre la gueule seul au MacDo. Une main agrippée sur le carton rouge des grandes frites, l'autre piochant sans remords, je me lève et plonge en passant un regard avide dans un décolleté honorable. Faisons fi des convenances, qu'est-ce que je risque ? Qu'elle me dise d'aller crever ? I'm on my way. La peine que décèle au fond des yeux de mon serveur me sert de référentiel sur mon état. Je ne dois plus marcher très droit, mais j'ai de quoi payer (j'imaginais qu'à ma mort j'alignerais des billets de 5000 yuans sans rechigner, mais je suis resté aux centimes d'euros) alors il me laisse remonter en paix. Les dix heures que je n'ai pas entendu sonner au clocher du coin ont déjà vidé une grande partie de la salle, et ils ne restent plus que cet ordinateur insatiable et ces trois filles qui m'accompagnent de leurs yeux dans les dernières marches. Je crois que j'ai un truc sur la gueule. Ou ma coupe à la Errol Flynn parce que je me suis endormi devant Matrix. Glou-glou miam-miam, et je remplis mon ventre à défaut de décorer le monde de mes pensées. Je ne pourrai pas remercier le jury des Oscars, non plus. Cannes m'aurait filé un titre posthume si j'avais tourné ce putain de film, mais je doute que mon profil social soit suffisamment émouvant pour émoustiller la croisette. Je masturbe un peu mon inventivité en m'imaginant en train de rédiger un scénario exceptionnel quand une voix fluette s'immisce entre mes frites froides et moi.

La jolie lycéenne s'est levée et se tient devant moi, un peu gênée, se rassurant tant bien que mal en jetant des coups d'œil inquiets à ses amies restées en retrait.
-Heu, salut, est-ce que je peux te demander un truc un peu bizarre ?
Demander mon numéro de téléphone n'est pas si bizarre que ça, tu sais ? Mais comme elle est vraiment adorable, je joue le grand garçon gentil.
-Avec plaisir, vas-y.
Elle prend son souffle avant de se lancer, et sa petite poitrine se lève délicatement sous son chemisier.
-Voilà, euh, ce sont les dix-huit ans de ma copine, là, et, euh, ben, c'est un peu gamin, mais, euh, on s'est dit qu'on allait lui offrir un mec, et, ben, tu vois, t'es parfaitement son genre, alors , ben, euh, …
Je n'arrive pas à savoir si elle est sérieuse ou pas. Je croyais qu'il n'y avait que dans les films que la meilleure amie vienne demander au beau mec inaccessible de sortir avec sa copine moche. Je tourne légèrement la tête vers sa table.
-Donc, je suppose que tu veux que j'aille prendre un verre avec elle un de ces jours, non ? Il te faut mon numéro de téléphone ? L'ennui, c'est que j'aime pas trop répondre au téléphone quand on m'appelle. C'est laquelle, là, celle de droite ?
Décidément, son embarras ne faiblit pas, elle se met à se dandiner de droite à gauche en acquiesçant de la tête.
-Dis-lui de venir, dans ce cas ! Il doit me rester un peu de bière.
Je doute qu'elle ait entendu la dernière phrase, parce qu'elle fait un grand sourire à la moche, qui se précipite à ma table en faisant vibrer ses grosses cuisses. Moi, tout sourire:
-Assieds-toi, je t'en prie. Tu t'appelles comment ?
-Loretta, lâche-t-elle après un petit silence.
Je redouble la largeur de mon sourire, plonge mes yeux dans les siens, méthode couet, je suis Gregory Peck, je suis Gregory Peck, je suis Gregory Peck.
-C'est ravissant, comme nom, Loretta, tu m'offrirais une bière, s'il te plait ?
Là, ça passe ou ça casse. Son visage devient légèrement moins lumineux, elle baisse les yeux sur mon plateau pour contempler les six verres vides, et se demande si c'est une bonne idée. Je rajoute un peu de pression.
-Parce que, tu sais, si t'as pas d'argent, ça pourra pas marcher entre nous, je suis désolé, je suis un type vachement matérialiste.

L'air paniqué, elle fait mine de se retourner vers ses amies qui n'ont probablement pas laissé tomber un mot de ce qui s'est (brièvement) dit entre la jeune Loretta et moi. Il ne me reste que quelques secondes pour mettre mon plan à exécution: j'enfile mon blouson d'un geste peu assuré, j'attrape le dernier gobelet encore rempli, je passe devant ses amies avec un air royal, ralentit un peu, et leur demande si elles, elles ne m'offriraient pas une autre bière. Pas de réponse, mauvaise réponse, je m'en vais en déposant mon verre sur une table encore un peu luisante de graisse. Sur les dernières marches, je crois avoir entendu un semblant de gloussement.

Le videur n'a pas bougé, absorbé dans sa contemplation muette des comptoirs déserts. Bonne chance, mec, moi je vais fumer une clope si il n'y a pas de clochard demain pour m'en taxer une. La bouffée de nicotine qui m'aide à digérer, mais qu'est-ce qu'elle avait, cette fille, à puer l'insécurité ? C'est pas avec des personnes comme ça que je vais avoir envie de survivre. Les motifs que dessinent les pavés, ces sortes de quarts de cercle imbriqués les uns dans les autres, j'ai toujours cru que si on marchait sur les bons dans un certain ordre, on pouvait prendre un passage secret qui nous amène où on veut. Là, tout de suite, ça m'arrangerait vachement, parce que j'ai promis que je passerai faire un tour chez L. et que c'est bien trop loin pour que je m'enfile un Kid Dakota sans me mettre à pleurer devant une vitrine H&M. Tant pis; j'aime le danger. Je loge mes écouteurs Bang&Olufsen dans mes oreilles (ah, je ne pourrai jamais avoir de chaîne hi-fi Beo à reconnaissance vocale et aux enceintes bluetooth, non plus...), y envoie le groupe le plus incroyable de Minneapolis jusqu'à ce que mes tympans gémissent, et je me mets à courir en direction de ces immeubles résidentiels pour étudiants bourgeois. Comme je n'entends pas le bruit de mes pas, j'ai l'impression de faire le générique d'un film, genre je débarque sur une plage et Jean-Pierre Léaud devient bouclé, alors je redouble d'effort et je ricoche sur le bitume sans qu'il n'y ait plus aucune différence entre le trottoir et la route, entre le Subway et les kebabs, entre les bars et les salons de coiffure, encore tous illuminés. À l'intérieur, une voix me chuchote la tristesse d'un quotidien nord-américain, parce qu'il n'y a rien de pire que lire le journal intime de quelqu'un. Quand la guitare cesse de gémir, le claquement de mes semelles reprend le dessus et, ramené là où il n'y a pas de caméras à ignorer, je trottine encore un peu, puis me mets à marcher, essoufflé. Je ne devrais peut-être pas faire autant d'efforts si je veux revoir l'été. C'est con, parce que celui de l'année dernière était drôle. Et j'avais promis que je repartirais en Hongrie avec A. et M., début août. Ça va être un peu limite. Ça m'apprendra, et je ne ferai pas autant de promesses stupides la prochaine fois. D'ailleurs, pourquoi est-ce que je devrais les tenir ? Parce qu'on risque de dire que je ne suis pas fiable et que personne ne tiendra les promesses qu'on me fera. Le donnant-donnant se tient, mais comme c'est sur le long-terme, tant mieux, je peux faire ce que je veux. Seulement, j'ai tellement envie d'un autre verre qu'il faut bien que je téléphone pour avoir le code de cet immeuble. Haha, j'ai deux appels en absence du Labo d'analyses, je crois que j'ai froissé ce bon docteur. La voix peu assurée de L.me dit en rigolant que le code c'est 2046WKW, donc je lui demande si c'est une blague, tout en le tapant sur l'interphone, mais il ne semble pas comprendre, et la porte s'ouvre, alors je raccroche en me disant que ces matheux sont des cons.

L'ascenseur m'accueille à portes ouvertes, pendant qu'il monte docilement, me laisse seul face à mon reflet qui ne regarde innocemment du fond du miroir. C'est bizarre, j'ai pas l'air malade. D'ailleurs, j'ai rarement remarqué ce qui n'allait pas sur mon visage. Je ne sais pas dire si quelqu'un a l'air malade ou pas, si il a une tête dégueulasse au réveil, si il est bourré ou défoncé, les yeux rouges, tout ça. Peu de chances que je remarque ça chez moi. Et même si je n'ai pas l'air malade, pourquoi est-ce que je n'ai pas l'air triste, abattu ? Les mecs de Dr. House fondent en larmes et l'afro-américain qui leur sert de conjoint se précipite sur leur main moite avec un air de vache morte. Bof, pas là. Déjà, je n'ai pas de pote renoi. Et puis, le monde peut très bien tourner sans, moi objectivement. La presse en tout genre flatte notre ego en nous disant qu'on peut tout comprendre, l'école nous dit qu'on est tous des petits garçons très intelligents mais un peu timides et nos parents sont émerveillés dès lors qu'on évite de chier dans notre froc. On est six milliards, et je doute qu'il existe une personne sans laquelle on ne puisse survivre; ce que raconte Love Actually ne compte pas. Je pense que je me ferai quand même tatouer « that's the hell of it », juste pour concrétiser la chose. Tant pis. Comme font les petits enfants, le bruit de pet en gonflant les joues et sortant la lèvre inférieure. Ding, je sors, boum-boum-boum-blah-blah, je me dirige vers la porte qui fait le plus de bruit dans une pénombre péniblement feutrée, la moquette est dans un état pitoyable. La porte est entrouverte, et j'élargis un peu le rai de lumière enfumée pour m'y glisser Beaucoup de voix, beaucoup d'aigus, peu de graves, ça sent la soirée entre chattes qui s'est faite incruster. Ça m'intrigue un peu parce que L. m'avait quand même invité. Et je suis pas assez mainstream pour pouvoir assister à une private pajama party. Alors je me raccroche un sourire dans l'entrée, et passe dans le salon où il n'est pas du plus bel effet parce que tout le monde n'a pas vu que j'étais arrivé. Le grand blond ouvre tout de même de grands yeux et me gratifie d'une grande claque dans le dos, comme si on était nés ensemble. Deux vagins un peu éméchés entourent mon cou de leurs bras nus et me disent qu'elles sont vraiment ravies de me voir avant de continuer leur conversation. Je laisse choir mon blouson, et un autre grand, brun, me sourit avec soulagement parce qu'il s'impatientait un peu. Passant derrière le comptoir de la cuisine, j'échange un chemin vers les bouteilles non-ouvertes contre des poignées de main désintéressées (Eh ! Tu vas bien ? Ça fait longtemps) et des frottements de joues anodins (Salut, ça va ? Salut, ça va ?), jusqu'à une bouteille de whisky, parce qu'on m'a dit l'autre jour que le whisky et moi c'était une grande histoire d'amour. Je te crois sur parole. Retour vers le réfrigérateur, c'est bizarre parce que personne n'a pensé à se servir dans le bac à glaçons, sauvages. Une fois, prêt, je me retourne vers un groupe de personnes pour faire comme si je discutais avec eux et éviter de montrer ostensiblement que quelqu'un s'ennuie déjà. Ils semblent comprendre le contrat et s'écartent un peu pour que je puisse m'asseoir sur le plan de travail.

-En fait, ils ont un master à Oxford (insérer accent subtil ici) sur tout ce qui est sécurité et géopolitique de l'informatique et c'est vraiment un poste à débouchés, donc je vais essayer d'y rentrer après mon diplôme, ça peut bétonner mon avenir.

-Putain, mec, faut trop que je te parle d'un truc, là, c'est trop affreux ce qui m'est arrivé hier, viens, on va plus loin.

-Attends, tu rigoles ?

-Ouais, ouais, je vois, bien sûr, le mec va pas se laisser faire.

-Vas-y, mon verre est vide, tu me passes la bouteille ?

-Alors, ça fait longtemps qu'on s'est pas vu, tu me racontes quoi de beau ?

-Oh, tu rentres chez toi ce week-end ! T'as trop de chance.

-Nan, mais franchement, faut qu'on arrête de vivre à ce rythme-là, on va pas tenir, je sais même pas si un foie suffira. Tu sais quoi ? Je fais même plus de rêves, tellement je dors peu.

-Arrête de déconner, cet album est nul, le rap français c'était mieux avant, t'as jamais écouté Solaar pleure ou quoi ?

-T'ES SERIEUX ?

-Nan, mais ouais, mais non, mais ce mec est trop génial, on gagnerait trop à le connaître. Après, c'est vrai qu'il a l'air bizarre, mais on s'en fout, non ?

-Vu comme c'est parti, on est pas près de se barrer.

-Il paraît qu'il y a une autre soirée au-dessus, on peut s'incruster en disant qu'on est tous des voisins, ça a l'air carrément plus cool.

-Buffalo, buffalo, buffalo, t'es foutu, mort comme buffalo bill.

-J'ai trop envie de tirer cette affiche, elle serait trop bien au-dessus de mon lit. D'ailleurs, à quand une affiche du White Album ? Ça va trop faire bander les artistes hypo-conceptualistes de Saint Paul.

-Oh, merde, j'ai la masse d'appels en absence.

-Et je t'ai pas dit, meuf, meilleure expérience sexuelle de ma vie, hier.

-Tu viens, samedi ?

-Franchement, conseil d'ami, arrête, arrête tout.


Crois-moi, je suis bien content de tout arrêter, et vivement que je me casse, ai-je pensé, assis sur mon plan de travail, sans pleurnicher et sans taper du pied.

5.3.10

tu pleurais pendant qu'on faisait l'amour.

Dans le train, oscillant dans le wagon-restaurant, il y avait un grand black avec un béret gris, un tee-shirt moulant noir, des colliers en or et une bouteille de champagne à la main. Samuel L. Jackson à Saint Pierre-des-Corps.
Les mecs bourrés dans le train te donnent toujours l'impression qu'ils vont mourir si ils posent un pied sur le quai de la gare d'arrivée.

Quand j'étais gamin, et que j'étais suffisamment con pour filer quinze balles à la SNCF pour mettre ma bite dans un vagin consentant, il y avait le même genre de mec, les yeux fixés sur l'ennui intersidéral entre Bordeaux et Périgueux, la main fusionnant avec sa Guiness. Un grand inspecteur Derrick, avec le trench beige au col relevé, les yeux injectés de sang et son doigt boudiné serré dans une trop vieille alliance. À un moment, il est tombé. Sa bière s'est renversée un peu partout, un peu sur moi, et des enfants ont crié. Ils ont probablement crié à sa place. Je les ai regardés pour qu'ils se taisent, parce que l'inspecteur avait l'air de souffrir terriblement, mais eux imploraient leurs mères somnolentes de leurs yeux et de leurs petits doigts boudinés. Il a réussi à se relever, doucement, malgré le train qui tangue et son coeur qui dérape. Il ne s'est pas excusé, non, bien sûr que non, il n'a pas dit un mot. Il a serré son poing très fort et son menton tremblait un peu, dans le reflet de la vitre. Puisque je le sentais pleurer, j'ai crié dans ma tête, très fort, je lui ai crié que tout irait bien et que ce n'était pas grave d'être seul.

12.2.10

prends l'avion et écrase-toi.

ma façon à moi d'organiser un voyage, c'est de voir des films. enfin, dans l'immédiat, organiser mon année, c'est demander à wong kar-wai de me vendre du rêve sur le mur blanc surplombant mon lit, et qui sert désormais plus comme toile de cinéma que comme mur porteur.
je ne suis jamais parti seul, dans une ville inconnue -on se comprend quand je dis ville inconnue, ça implique un peu d'exotisme, clermont-ferrand n'est pas shanghaï. les mecs qui te vendent le concept de winner dans des bouquins de papier glacé devraient préconiser ça, le voyage, pour remettre leurs pigeons en question.
départ d'orly, 06:28, ta mère en larme et ton frère qui essaie de s'en foutre, et t'es obligé de sourire, plus pour toi que pour eux. la cale de l'airbus a bouffé tes trois valises, les hauts-parleurs donnent l'impression de se moquer de toi, parce que no turning back, baby.
quand tu rejoins ta place semi-molletonnée de classe économique, réalisant qu'il n'y aura pas de petite-brune-femme-de-ta-vie-en-puissance à côté de toi, tu t'amuses un peu avec tous les boutons pour te distraire, tu déballes l'oreiller, déplies la couette, vérifies les écouteurs. les hôtesses montrant les consignes de sécurité pour la sécurité de tous les voyageurs sont captivantes. à travers le hublot, le tarmac commence à vaciller, et les moteurs résonnent dans toute la carlingue.
quelle idée, d'écouter Under Pressure.
tu sens que tu prends de la vitesse, et chaque cellule de ton corps frémit quand tu réalises le moment précis où le freinage sera inutile. comme il n'y a que les pédés qui ferment les yeux quand ils ont peur, tu les fixes fermement sur la télé encastrée en face de toi. c'est là que tu es pris par surprise, que tu fais l'erreur impardonnable, que tu entends le rire machiavélique d'une némésis imaginaire. sur le fond d'écran bleu cruel, quatrième ligne, DISTANCE FROM DEPARTURE.
700m, 800m, 1Km, 2Km, 3Km, 5Km, 9Km, 10Km, tunereviendrasjamais.
chaque fois que le chiffre augmente, tu reprends un uppercut dans tes tripes, l'air n'arrive plus dans tes poumons, et tu hurles dans ton crâne pour qu'on te tire de ce merdier. gueule, petit, gueule, le business man à côté de toi n'écoute pas, il a branché sa musique relaxante et mâche consciencieusement sa Harvard Business Review, rien à branler de ces jeunes irresponsables qui se droguent, j'ai lu ça dans Le Point.
on est en train de t'expliquer, blanc sur bleu, ce que s'éloigner de chez soi veut dire, et tu te mets soudainement à voir ta maison dans tout ses détails, parce que, quand tu reviendras, elle sera complètement refaite. ton frère aura son bac, ta mère un nouveau boulot, ta copine un nouveau mec et ton beau-père une nouvelle vie. outsider.

ce n'est pas une existence purifiée, qui m'accueillera là-bas, ce sont des gardes rouges qui me foutront dans un taxi incompréhensible, avec ce qui reste de ma vie, dans trois valises à peine bondées.


ça va être génial.

in the backseat.

On est probablement tous d'accord pour dire que, plus longtemps on évitera de fonder une famille/acheter une maison/choisir une voiture/nourrir un fox-terrier, mieux on ira. sauf que, histoire de faire perdurer nos gènes, et de pouvoir avoir une fille dans son lit quotidiennement passé les quarante ans, on devra bien se saborder, dire au revoir au maximonstre lové derrière notre nombril. Sourire devant le joailler, sourire devant l'autel, sourire devant la maternité, sourire devant les nouveaux voisins, gueuler devant le berceau IKEA qui ne veut pas se monter.
Si t'es un mec, tu te feras vomir dessus par un gamin hilare, pendant que ta femme fera collection des couches sales. T'auras droit aux convocations par sa prof de maternelle parce que ton gamin se sera repu des goûters de ses congénères (et t'essaieras de ne pas faire sentir de fierté quand elle t'expliquera qu'il est scandaleux qu'il ait pu racketter un grand de CE1). Ta moitié te gavera de bouquins sur la sexualité expliquée au pubères et, tout les soirs, en rentrant de ce taff dont tu ne voulais pas, il faudra demander de baisser un peu la musique parce que papa/maman (t'as vu ? je suis pas misogyne) est fatigué. Déprime quand tu verras les fringues qu'il portera à sa rentrée en sixième, et il te regardera de haut quand tu laissera échapper « mouton de Panurge ».
Au bout d'un moment, tu te coucheras en te disant que tu n'as jamais eu de réelle conversation avec tes enfants, autour d'un thé dans ta cuisine américaine, au milieu de la nuit. Le sentiment poindra de plus en plus souvent, tu rachèteras même du darjeeling, au cas où. Pour s'intéresser un peu à sa vie, tu jetteras un coup d'oeil discret dans sa chambre; pas de livres pour un kindle, pas de chaîne hi-fi pour un iPodDeck, pas d'unité centrale pour un iPad relié à un clavier bluetooth. Alors, bon, tu l'obligeras à venir chez ses grand-parents, pour l'attirer dans le grenier, histoire de passer un moment paternel sur ton passé. « Tiens, écoute-ça, c'est pas mal. Ça faisait un tabac à mon époque. »
Forcément, il les prendra, rictus, avant de finir par finir le LT de son week-end à sa copine virtuelle.
Retour dans ta caisse pourrie, parce qu'il fallait bien en trouver une avec un lecteur CD en option, et qui fait que la chair de ta chair ne voudra pas se faire accompagner au lycée. Mal-à-l'aise, tu lui proposeras de mettre un des CD qu'on a ramené de chez grand-mère, mais il foutra ses doigts gras partout sur la face de lecture, alors tu t'énerveras un peu qu'il ne sache même pas comment ça marche, et tu ne feras pas vraiment attention à ce qui vient de se faire bouffer par l'auto-radio branlante. Ça te rappellera un truc. Ah, ouais, Oracular Spectacular. Le gosse sera emballé, t'écoutais trop de la bonne musique, en fait, tu devais être vachement un type cool ! Tout soulagé, tu le laisseras un peu jouer avec les autres albums, et il te fera retrouver Viva La Vida, Discovery, Black Album, celui de Jay-Z comme celui de Metallica et tu te retrouveras à te tromper de route pour rallonger le trajet. Tu passeras par la campagne, et les arbres s'inclineront sur votre passage. Dans ce futur, il fera déjà nuit, et ton fils/ta fille/ta fierté continuera de s'extasier devant les albums, quand tu te gareras brutalement. Non, tu n'y auras pas pensé plus tôt parce que, bon, à ton époque c'était une évidence qu'on n'évoquait même plus. Tu te retourneras précipitamment pour trouver un album sur la plage arrière. Tu lui montrraes la couverture, mais il n'en aura jamais entendu parler, ça n'aaura pas l'air exceptionnel, la jaquette sera en carton tout élimé, il pensera que tu n'y auras pas fait très attention, et on arrivera toujours pas à lire correctement le nom de l'artiste. Et toi de sourire comme un gamin qui va faire un cadeau au monde entier quand tu glisseras le cd dans le lecteur défaillant. Alors, en redémarrant doucement, tu laisseras les dix pépites remplir chaque coin de l'habitacle et recouvrir chaque pore de votre peau et vous passerez une éternité, sans rien dire, sur une route de campagne infinie, à savourer le meilleur moment de votre vie.

Et quand tu rentreras chez toi, ta femme inquiète n'aura pas le temps de t'engueuler parce que ton enfant lui aura dit, émerveillé, que Funeral est le plus bel album.

5.2.10

on fait avec ce qu'on a.

bon, il est trois heures du matin, je n'ai plus de cigarettes parce que j'ai laissé tomber la dernière dans une flaque de pisse clocharde, et on sait toi comme moi que c'est le moment où je te raconte ma vie, avec suffisamment de subtilité pour que ce ne soit pas évident aux yeux de la plèbe.
je reviens d'une soirée -pour une fois que je ne reviens pas du cinéma-, où j'ai encore croisé le regard de la femme de ma vie, celle à qui ressemblent aphrodite et la fille qui fait le background du compte twitter de lookbook.nu. à vrai dire, je l'ai croisé plusieurs fois, son regard, avec la chanson de new order qui tourne sans cesse (oh you've got green eyes, oh you've got blue eyes, oh you've got grey eyes and i never met anyone quite like you before, et huit minutes de sifflement à la con) dès qu'elle nous dévisageait, moi et mon insolente absence de sociabilité.
sauf qu'entre le moment où je me ressers de ce vin dégueulasse dans la cuisine bondée, et l'instant où j'appuie sur le bouton de l'ascenseur en me demandant pourquoi est-ce que personne n'a volé le bouquin de wilde qui traînait dans la chambre, il s'est passé quelque chose de merveilleux, qui a propulsé mon existence dans des dimensions qui assommeraient à nouveau isaac newton (celle-là est pour toi, gotlib).
elle m'a adressé la parole.
c'est le genre de trucs dont t'as un peu honte sur le moment, mais qui font beaucoup trop partie de toi pour être ignorés, comme cette fois où tu réalises que t'as fait exprès de mettre une chemise pour prendre un verre avec cette fille qui ne rentrerait pas chez les #meufsbonnes, ou que t'as pris cinq minutes pour expliquer avec ton plus beau sourire à une grand-mère comment aller au métro le plus proche, quand t'as volontairement fait rire la caissière du Leclerc qui tirait la gueule parce qu'elle a le pire boulot (et que sa queue de cheval lui allait outrageusement bien).

franchement, je pourrais continuer suffisamment longtemps pour faire pâlir le type qui a inventé le personnage du frère gay/suicidaire/spécialiste de proust dans little miss sunshine (trop facile de dire proust tout court), mais j'ai bien envie de finir la campagne des wookies sur star wars: galactic battlegrounds, alors je vais vous laisser en plan sans pitié d'aucune sorte.


et pour ceux qui ont senti leur enfance rappliquer en trombe quand j'ai mentionné gotlib, je fais mon grand seigneur, et je vous lâche le lien de son site, où il met en ligne des jeux vidéos qu'il a créé. pilote devrait avoir un compte twitter.

je suis célèbre, les mecs.

Le petit bourgeois gêné, légèrement juif, dont le nom a des consonances étranges de printemps, a oublié de régler son réveil, ce matin. Et ce n'est pas son absence de femme qui va le secouer en baragouinant que son café est prêt puisque, de toutes manières, il ne boit pas de café. Ne fût-ce que pour un thé, il aurait mieux fait de ne pas divorcer, d'endurer ses lèvres soliloquant sans arrêt, pour que Hercule se sente con, avec sa crécelle, et pour faire à cette salope un hommage muet digne de ce non. Ça sent le shit dans la chambre du fils, et on se bouche le nez pour penser à autre chose. Ça pue le shampooing dans le sillon de la fille, et on change de pièce pour effacer son avenir. Devant son muesli sans porc, c'est l'érection du matin, chagrin, depuis que la veuve d'à-côté offre ses mamelles à l'ensemble du firmament.
Secrètement, c'est l'american way of life qui te fait rêver, où tu peux discuter, défoncé, du Jefferson Airplane avec le rabbin, où tu peux rajouter une scène de horror-show dans un Irkoutsk moyen-âgeux au début de ton histoire quand tu réalises que t'as pas assez de rush, où tu peux te faire autant d'argent qu'en pleine pénurie de crack au fin fond du Bronx pour peu que tu aies un étudiant coréen, où tu peux remplir le box-office en faisant porter des chemisettes à motifs à tes héros, où le gamin qui veut te casser la gueule est trop gros pour te rattraper, où tu regardes secrètement la fille qui t'a accompagné ne pas comprendre les blagues, où ton père répare la télé sans que t'aies à le demander poliment.

Maintenant, à la télé, ils font passer Band Of Horses en bande-son du season finale de Kyle XY.