la première fois que je suis allé chez ce type, on entendait le bordel jusqu'en bas de l'immeuble, et les quelques soûlards qui vomissaient encore dans les rues injuriaient d'un voix rauque les silhouettes fumant des cigarettes qu'on distinguait au balcon. l'un d'eux alla même jusqu'à pisser contre la porte massive, à quelques centimètres de moi. il était encore entrain de secouer sa bite lorsqu'on m'ouvrit.
le on en question m'a dit qu'il était Charles. encore un prénom de bourgeois, ai-je pensé, et j'ai souri en disant que moi j'étais bourré et que c'était cool. il m'a emmené dans un escalier qui n'en finissait pas, sans me dire si c'était cool ou pas, et qui tournait autant sur lui-même que j'avais l'impression qu'il tournait sous mes pieds. j'ai regardé le tapis rouge et vert et, même si j'étais encore conscient d'en avoir vu des milliers d'autres semblables dans ma vie, celui-ci m'avait l'air particulièrement laid, et puant. je me suis accroupi un instant pour le caresser du bout des doigts et j'ai fini par dire à celui qui disait être Charles que pour rien au monde je ne dormirai là-dessus, dussé-je me faire enculer par un grand black qu'on voit parfois sur les rings de catch aux us. mais tout le monde sait que c'est du pipeau, le catch.
il m'a regardé comme si je lui avais demandé comment il allait, et m'a dit que j'étais cool. alors j'ai été content et, sur ce, on s'est remis à monter l'escalier, en piétinant le tapis rouge et vert. j'ai quand même fini par apercevoir le plafond; peint, le plafond, avec des anges frais et des saints sobres qui m'avaient l'air de prier le dieu de l'ennui. j'ai rigolé un peu, et le mec ne m'a pas demandé pourquoi j'ai rigolé. plus on montait vers les cieux, plus on entendait une musique beugler. enfin, on entendait surtout des grésillements de merde qui me donnaient encore plus mal à la tête que nécessaire.
on est quand même arrivés en haut, et il a ouvert une autre porte en bois et m'a fait rentrer dans une sorte d'appartement de riche intellectuel parisien, dévasté par une troupe de marins d'Amsterdam aussi ivres que moi. d'ailleurs, j'ai fait tomber une bouteille de quelque chose à moitié pleine en passant le palier. je l'ai regardée, j'ai vu que personne d'autre ne la regardait, alors je l'ai abandonnée sur le beau plancher ciré. dans ce qui était un salon qui puait la clope et le joint, il y avait des cadavres de bouteilles et de verres brisés qui jonchaient le sol, il y avait des bouts de nourriture ici et là, il y avait un vieux tourne-disque qui, au bruit que faisait le vinyle, avait besoin d'avoir son diamant changé et, autour de lui, quatre adolescents. trois assis, une couchée comme une putain, les jambes grandes écartées, le côté du visage reposant dans de la bile.
gros cliché.
gros gros gros cliché.
le type en face d'elle se marrait comme un cochon -on ne sait jamais pourquoi les cochons se marrent-, et ça m'a fait rire aussi. j'ai dit bonjour rapidement, parce que je croyais voir le soleil se lever, mais je n'en suis pas sûr. j'ai fait le tour de la salle pour trouver un mégot pas trop consumé, et j'en ai déniché un derrière une assiette sale. d'ailleurs, je crois que c'était la seule assiette dans la salle, ce qui m'a presque perturbé: en rallumant le mégot, je me suis vaguement demandé dans quoi ils avaient mangé, mais en fait ça ne m'intéressait pas tant que ça. le temps de faire un tour rapide de l'appartement méticuleusement foutu en l'air par une bande de jeunes qui croient être des durs parce qu'ils peuvent boire deux verres de vodka d'affilée sans vomir leurs tripes d'adolescents, et j'ai déjà fini mon semblant de clope.
alors je suis reparti m'asseoir auprès de Charles, mais je ne l'ai pas reconnu, alors je me suis laissé tombé à côté de la fille dans le coma -enfin, ça se voyait qu'elle respirait parce qu'elle faisait des bulles de vomi, donc personne ne s'inquiétait. les baffles, disposées de part et d'autre de la cheminée à laquelle on tournait le dos, hurlaient ce que j'ai cru être des cris de mujahidins qui s'élanceraient contre la maison blanche. les deux gamins à côté de moi secouaient la tête de manière complètement désordonnée, et ça n'avait aucun sens parce qu'il n'y avait pas de musique, juste un putain de bruit insupportable. alors je me suis étiré, et j'ai réussi à atteindre la platine, et j'ai baissé un peu le volume.
l'autre fille, blonde, a arrêté de bouger. elle avait les yeux très bleus et les lèvres terriblement désirables. mais j'avais du mal à m'imaginer entrain de la baiser, elle ressemblait un peu à une gamine dont je ne me souvenais pas. la gamine de mes souvenirs avait un rapport avec un russe. mais je ne crois pas connaître de russes, alors bon. elle était quand même là, en face de moi, avec des cernes bleuâtres qui entouraient des yeux très bleus. très rouges et très bleus. elle s'est avancée à quatre pattes pour s'accroupir à côté de moi, comme une petite guenon. personne n'a réellement suivi ce qu'elle faisait, et l'autre, gisant derrière moi, laissa échapper un petit rot, avec toute l'innocence d'une évanoui.
la fille aux yeux bleus s'est mise à m'inspecter en détail. elle a fouillé mes poches et m'a pris le paquet de cigarettes tout ridé qui traînait quelque part dans ma veste. et puis elle s'est levée doucement, elle a tranquillement ouvert la fenêtre, a sorti une cigarette, l'a allumée et s'est penchée pour voir le soleil se lever dans la rue. alors elle s'est retournée vers nous et elle a tendu mon paquet de clopes pour nous en proposer une. j'ai pas réagi immédiatement, parce que je cherchais qui elle me rappelait. et j'arrivais pas non plus à me souvenir du titre de la chanson qui passait -j'arrivais plus ou moins à l'entendre, maintenant- et ça, ça m'énervait vraiment, même si j'étais bien torché. je me suis servi un verre de whisky. quelques trucs flottaient au fond, mais j'étais trop concentré sur sa silhouette pour ne pas m'en foutre.
vue de loin, elle avait l'air très fine. tout comme une petite fille. le nez en trompette d'une petite fille, ses doigts, ses joues, sa démarche, tout comme une petite fille. et là je me suis dit qu'elle me rappelait lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins, puisqu'elle existe dans mon crâne embrumé, comme toute fiction existe dans l'imaginaire de chacun. et la petite fille, droguée, sur le balcon, ressemblait à la lolita qui s'était introduite dans mon esprit, je ne sais plus quand.
elle ne m'a pas regardé, elle s'est juste hissée sur la rambarde et elle a sauté, d'un petit bond, comme si le vide était une marelle dans une cour d'école.
la musique était trop forte pour que les autres entendent le bruit d'os brisés qu'a du faire l'impact, ils n'ont pas fait attention. je me suis levé en titubant et je suis parti, j'ai redescendu les escaliers rouges et verts, j'ai passé la lourde porte en bois qui sentait encore la pisse. il restait un clochard, sur le trottoir d'en face, entrain de dormir. sur le bitume, à mes pieds, il restait un peu de ses cheveux blonds. sans m'en rendre compte, j'ai cherché au milieu des bouts d'os et de chair ses yeux bleus. je ne les ais pas trouvés, et comme c'était quand même un peu dégueulasse, je suis parti.
sur le chemin du retour, quelque part sur des quais, je pensais à ma lolita mais, bizarrement, j'arrivais pas à me souvenir d'à quoi elle ressemblait, donc je me suis assis sur un banc froid et public, et je me suis concentré pour voir ses yeux bleus. mais j'ai rien vu et je me suis juste souvenu que la chanson qui passait dans cet appartement, c'était bob dylan, just like a woman. alors j'ai fredonné parce que je redescendais un peu, et ça donnait ça:
she takes just like a woman, yes, she does
she makes love just like a woman, yes, she does
and she aches just like a woman
but she breaks just like a little girl.
ça m'a fait rire, sur le moment. mais j'ai arrêté de chanter parce qu'il fallait que je trouve quelque chose à manger. sur le chemin, alors que la ville s'éveillait innocemment, j'ai pensé que Vladimir et moi avions un point en commun, maintenant. enfin, plus ou moins.
le on en question m'a dit qu'il était Charles. encore un prénom de bourgeois, ai-je pensé, et j'ai souri en disant que moi j'étais bourré et que c'était cool. il m'a emmené dans un escalier qui n'en finissait pas, sans me dire si c'était cool ou pas, et qui tournait autant sur lui-même que j'avais l'impression qu'il tournait sous mes pieds. j'ai regardé le tapis rouge et vert et, même si j'étais encore conscient d'en avoir vu des milliers d'autres semblables dans ma vie, celui-ci m'avait l'air particulièrement laid, et puant. je me suis accroupi un instant pour le caresser du bout des doigts et j'ai fini par dire à celui qui disait être Charles que pour rien au monde je ne dormirai là-dessus, dussé-je me faire enculer par un grand black qu'on voit parfois sur les rings de catch aux us. mais tout le monde sait que c'est du pipeau, le catch.
il m'a regardé comme si je lui avais demandé comment il allait, et m'a dit que j'étais cool. alors j'ai été content et, sur ce, on s'est remis à monter l'escalier, en piétinant le tapis rouge et vert. j'ai quand même fini par apercevoir le plafond; peint, le plafond, avec des anges frais et des saints sobres qui m'avaient l'air de prier le dieu de l'ennui. j'ai rigolé un peu, et le mec ne m'a pas demandé pourquoi j'ai rigolé. plus on montait vers les cieux, plus on entendait une musique beugler. enfin, on entendait surtout des grésillements de merde qui me donnaient encore plus mal à la tête que nécessaire.
on est quand même arrivés en haut, et il a ouvert une autre porte en bois et m'a fait rentrer dans une sorte d'appartement de riche intellectuel parisien, dévasté par une troupe de marins d'Amsterdam aussi ivres que moi. d'ailleurs, j'ai fait tomber une bouteille de quelque chose à moitié pleine en passant le palier. je l'ai regardée, j'ai vu que personne d'autre ne la regardait, alors je l'ai abandonnée sur le beau plancher ciré. dans ce qui était un salon qui puait la clope et le joint, il y avait des cadavres de bouteilles et de verres brisés qui jonchaient le sol, il y avait des bouts de nourriture ici et là, il y avait un vieux tourne-disque qui, au bruit que faisait le vinyle, avait besoin d'avoir son diamant changé et, autour de lui, quatre adolescents. trois assis, une couchée comme une putain, les jambes grandes écartées, le côté du visage reposant dans de la bile.
gros cliché.
gros gros gros cliché.
le type en face d'elle se marrait comme un cochon -on ne sait jamais pourquoi les cochons se marrent-, et ça m'a fait rire aussi. j'ai dit bonjour rapidement, parce que je croyais voir le soleil se lever, mais je n'en suis pas sûr. j'ai fait le tour de la salle pour trouver un mégot pas trop consumé, et j'en ai déniché un derrière une assiette sale. d'ailleurs, je crois que c'était la seule assiette dans la salle, ce qui m'a presque perturbé: en rallumant le mégot, je me suis vaguement demandé dans quoi ils avaient mangé, mais en fait ça ne m'intéressait pas tant que ça. le temps de faire un tour rapide de l'appartement méticuleusement foutu en l'air par une bande de jeunes qui croient être des durs parce qu'ils peuvent boire deux verres de vodka d'affilée sans vomir leurs tripes d'adolescents, et j'ai déjà fini mon semblant de clope.
alors je suis reparti m'asseoir auprès de Charles, mais je ne l'ai pas reconnu, alors je me suis laissé tombé à côté de la fille dans le coma -enfin, ça se voyait qu'elle respirait parce qu'elle faisait des bulles de vomi, donc personne ne s'inquiétait. les baffles, disposées de part et d'autre de la cheminée à laquelle on tournait le dos, hurlaient ce que j'ai cru être des cris de mujahidins qui s'élanceraient contre la maison blanche. les deux gamins à côté de moi secouaient la tête de manière complètement désordonnée, et ça n'avait aucun sens parce qu'il n'y avait pas de musique, juste un putain de bruit insupportable. alors je me suis étiré, et j'ai réussi à atteindre la platine, et j'ai baissé un peu le volume.
l'autre fille, blonde, a arrêté de bouger. elle avait les yeux très bleus et les lèvres terriblement désirables. mais j'avais du mal à m'imaginer entrain de la baiser, elle ressemblait un peu à une gamine dont je ne me souvenais pas. la gamine de mes souvenirs avait un rapport avec un russe. mais je ne crois pas connaître de russes, alors bon. elle était quand même là, en face de moi, avec des cernes bleuâtres qui entouraient des yeux très bleus. très rouges et très bleus. elle s'est avancée à quatre pattes pour s'accroupir à côté de moi, comme une petite guenon. personne n'a réellement suivi ce qu'elle faisait, et l'autre, gisant derrière moi, laissa échapper un petit rot, avec toute l'innocence d'une évanoui.
la fille aux yeux bleus s'est mise à m'inspecter en détail. elle a fouillé mes poches et m'a pris le paquet de cigarettes tout ridé qui traînait quelque part dans ma veste. et puis elle s'est levée doucement, elle a tranquillement ouvert la fenêtre, a sorti une cigarette, l'a allumée et s'est penchée pour voir le soleil se lever dans la rue. alors elle s'est retournée vers nous et elle a tendu mon paquet de clopes pour nous en proposer une. j'ai pas réagi immédiatement, parce que je cherchais qui elle me rappelait. et j'arrivais pas non plus à me souvenir du titre de la chanson qui passait -j'arrivais plus ou moins à l'entendre, maintenant- et ça, ça m'énervait vraiment, même si j'étais bien torché. je me suis servi un verre de whisky. quelques trucs flottaient au fond, mais j'étais trop concentré sur sa silhouette pour ne pas m'en foutre.
vue de loin, elle avait l'air très fine. tout comme une petite fille. le nez en trompette d'une petite fille, ses doigts, ses joues, sa démarche, tout comme une petite fille. et là je me suis dit qu'elle me rappelait lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins, puisqu'elle existe dans mon crâne embrumé, comme toute fiction existe dans l'imaginaire de chacun. et la petite fille, droguée, sur le balcon, ressemblait à la lolita qui s'était introduite dans mon esprit, je ne sais plus quand.
elle ne m'a pas regardé, elle s'est juste hissée sur la rambarde et elle a sauté, d'un petit bond, comme si le vide était une marelle dans une cour d'école.
la musique était trop forte pour que les autres entendent le bruit d'os brisés qu'a du faire l'impact, ils n'ont pas fait attention. je me suis levé en titubant et je suis parti, j'ai redescendu les escaliers rouges et verts, j'ai passé la lourde porte en bois qui sentait encore la pisse. il restait un clochard, sur le trottoir d'en face, entrain de dormir. sur le bitume, à mes pieds, il restait un peu de ses cheveux blonds. sans m'en rendre compte, j'ai cherché au milieu des bouts d'os et de chair ses yeux bleus. je ne les ais pas trouvés, et comme c'était quand même un peu dégueulasse, je suis parti.
sur le chemin du retour, quelque part sur des quais, je pensais à ma lolita mais, bizarrement, j'arrivais pas à me souvenir d'à quoi elle ressemblait, donc je me suis assis sur un banc froid et public, et je me suis concentré pour voir ses yeux bleus. mais j'ai rien vu et je me suis juste souvenu que la chanson qui passait dans cet appartement, c'était bob dylan, just like a woman. alors j'ai fredonné parce que je redescendais un peu, et ça donnait ça:
she takes just like a woman, yes, she does
she makes love just like a woman, yes, she does
and she aches just like a woman
but she breaks just like a little girl.
ça m'a fait rire, sur le moment. mais j'ai arrêté de chanter parce qu'il fallait que je trouve quelque chose à manger. sur le chemin, alors que la ville s'éveillait innocemment, j'ai pensé que Vladimir et moi avions un point en commun, maintenant. enfin, plus ou moins.
L'ascension dans la démence. Et que devient la conscience des fous à la fin?
ReplyDeleteon s'en fou(t)
ReplyDeleteplus sérieusement, n'est-on pas fou parce que, justement, on n'a (pas/de moins en moins) de conscience ?
ReplyDelete