27.12.09

vivement que je sois riche.

J'aurais pu passer une matinée délicieuse, à paresser dans mon lit, des viennoiseries parsemant le parquet de ma chambre, essayant d'éviter de tacher mes draps avec un café brûlant. J'aurais pu me lever doucement, sur le dos, puis sur le ventre, une jambe s'échappant du lit, puis l'autre, jusqu'à ce que je finisse par m'asseoir, face à la fenêtre. J'aurais aussi pu hésiter sur la cigarette que je fumerai en regardant passer les bateaux-mouches et les mouches-touristes, du haut de mon perchoir saint-louisien, tout de caleçons et de maillot de corps vêtu -le froid n'attaque que les esprits faibles et les romantiques.
Mon double éveillé s'étonne lui même en se précipitant pour répondre au téléphone. Dieu seul sait pourquoi, c'est la première fois qu'elle m'appelle directement, outrepassant les 244 caractères des opérateurs téléphoniques -quand j'étais en retard pour cette projection privée de Tati ne compte pas, j'étais défoncé et j'ai du lui offrir un verre à 12€. Plus que son nom qui scintille sur mon portable, c'est sa voix aiguë qui me réveille. Et qui me dit qu'elle est bd Henri IV. Allons bon. Pendant une seconde, je considère l'alléchante possibilité de lui dire qu'elle me réveille et que je la rappelle très rapidement, mais le RER A menace de me l'enfermer dans son ventre de gréviste métallique pour trois bonnes heures. Alors je lui dis que non, bien sûr que non, tu ne me réveilles pas, oui, je me souviens du café, oui, avec plaisir, oui, je peux être prêt dans quinze minutes et je t'ouvre, à tout de suite, je t'embrasse. Elle serait montée si j'avais eu un peignoir digne de ce nom sous la main, avec un vinyle de blues et un verre de brandy, mais on fait avec ce qu'on a, hein, on sera riches plus tard.
Dans la douche, j'oublie de me dépêcher, parce que je repense à mon rêve. Je crois que ça parlait de partiels, de Venise, de monstres et d'une chemise blanche qu'il fallait que je retrouve. Je sens le sperme de Freud jusque sur mon front savonneux. Je me sèche rapidement en me tripotant les burnes d'une allègre façon alors que mes pensées vont vers son air exaspéré dans l'air froid du matin (ah, non, c'est vrai, treize heures n'est pas le matin), quelques mètres plus bas.
Mon nouveau rasoir, arme de poche, me coupe la lèvre sans pitié et l'eau sauvage, qui n'a jamais aussi bien porté son nom, me distille un peu de lave au coin de la babine, si bien que j'enfile différents bleus criards à rayures, sans y prêter aucune attention, et me dirige d'un pas brutal vers l'interphone, géniale invention qui a fait croire à la plèbe que ce concept n'existait plus.
Stop. Arrêt petit déjeuner, café en route et insultes de routine au lapin qui s'agite dans sa cage, comme s'il était devenu musulman et qu'on avait caricaturé sa carotte.
Au moment où mes doigts laissent une trace de Nutella (on est tous de grands enfants) sur le combiné de plastique blanc, je réalise qu'il faut d'abord que je lui donne le code de l'immeuble. Consciencieusement, je saisis une feuille blanche qui attend tranquillement son heure dans le ventre de l'imprimante et m'attable. Je prends une écriture d'adulte blasé/chirurgien avec 20 ans de carrière pour tracer quatre chiffres, une lettre et un numéro d'étage au milieu de la feuille, aussi bien que si c'eut été fait avec Word. Comme ça n'allait pas choir tout seul jusqu'à ses talons/escarpins/sneakers (entourer son choix du moment), je suis allé chercher un double des clés dans la boîte à cravate Hermès de l'entrée et l'ai glissé dans la feuille pliée en quatre. Une fois sur le balcon -qui va de Bercy, concerts et ministère, jusqu'à Notre Dame des Japonais armés de Canon-, j'ai quand même vachement froid. Je repère vite ses cheveux éparpillés sur des épaules de petite fille, et tente de faire en sorte que l'enveloppe improvisée volète au bout de son nez très légèrement retroussé. Elle sursaute, regarde vers le haut en protégeant ses yeux noirs du soleil, mais n'arrive pas à me voir. Elle hausse alors les épaules, s'accroupit pour ramasser la clé du paradis (enfin, la clé de sol, dans l'immédiat, désolé pour le mauvais jeu de mots, il est tard) et entre dans l'immeuble. J'ai à peine le temps de trouver un truc à mettre sur la stéréo que j'entends déjà la porte qui s'entrouvre timidement. Le bruit de ses talons est vite couvert par Klaus je-sais-plus-comment, le type avec les synthés, qui a retourné les tripes de stagiaires à la Staasi.

en fait, j'ai pas d'inspiration, ça me fait chier, bonne nuit.

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