20.4.10

chérie, fais-moi rire.

je suis désolé, m.

ça peut paraître lâche, de t'écrire comme ça, mais c'est une manière comme une autre de s'exprimer, et je trouve ça plus joli, et puis j'aime bien rédiger des lettres, et puis je t'emmerde.

ne nous taquinons pas à tourner autour du pot, et je t'épargnerai le bullshit habituel que je réserve aux filles qui ont des grands yeux comme les tiens. ce n'est pas à cause de tes ronflements que je n'ai pas envie de te revoir. ce n'est pas non plus à cause de tes yeux ébahis quand je te dis que je n'ai pas envie de te baiser, pas ce soir, ni à cause de ton impression constante que tu es quelqu'un de fantastique quand, vraiment, eux et toi c'est la même différence. ce n'est pas non plus à cause de ton parfum qui me rappelle beaucoup trop cette fille dans le bus qui allait à covent garden. encore que.
en fait, c'est con, c'est à cause d'hier soir, parce que tu as préféré te la coller avec tes potes au vin blanc et à la vodka plutôt qu'avec les miens, au mauvais rhum et à la bière. je ne dis pas qu'on s'est pas amusés. je ne dis pas que tu ne t'es pas amusée, à embrasser tout ce qui bougeait dès que tu rencontras mr. poliakov, pour faire naître en moi un tout petit sentiment de jalousie. tu ne saura jamais ce que c'est, ma jalousie, et je serai christian dans une autre vie, avec une autre fille, à défaut de me sentir un plus gros nez.
alors, oui, c'est con. tes amis écoutent de la bonne musique, ils sont gays et elles sont méga-bonnes (au choix). ils font la fête dans des appartements exigus avec des posters de richard avedon tout partout, parce que les maisons sont pour les bourgeois et les rues pour les hippies. ils rigolent bien, ensemble, ils parlent de tout et de n'importe quoi, du moment que je ne connais pas la personne sur qui ils crachent ou le remix qui ne marchera pas. ils parlent d'art, ils parlent des derniers films et des albums qui ont leaké au jour le jour et ils sont terriblement satisfaits de connaître l'astuce du site:mediafire.com. ils portent des vêtements aux couleurs qui vont ensemble, dont les manches ne cachent pas leurs mains et qui n'affichent pas de message pseudo-alternatif sur un t-shirt noir. ils trouvent ça trop cool que j'ai réussi à récupérer les superskate adidas skywalker parce que maintenant elles sont en rupture de stock et ils repèrent au premier coup d'oeil si ma cravate est une hermès ou pas.
tu me connais un peu, quand même, je te le concède, et je serai volontiers venu, ce soir encore, assister à un concert de rock sub-proto-garage dans un entrepôt vidé par des mecs en hoodie american apparel mais faut pas déconner, hier j'avais mieux à faire, j'avais mes potes à moi.

mes potes à moi sont des loosers. la plupart ne sont pas beaux, ne connaissent quasiment rien en matière qui soit sorti après 2007, et font peu, ou pas d'études. l'art les ennuie, ils vont au cinéma pour se divertir, et se foutent de savoir si la post-prod du dernier herzog était bâclée. ils ont cinq, voire six livres chez eux, qu'ils ne lisent pas. ils ne savent pas que uffie n'est plus cool et ils claquent soixante balles pour aller voir iron maiden parce que tous les autres bons groupes sont morts. ils topent 200€ de très bonne herbe toutes les trois semaines, font pousser chez eux et on dirait qu'ils ont leurs règles quand ils n'ont pas bu de d'alcool depuis deux jours. certains n'ont pas le bac. ils n'arrivent pas à dormir, mais ils arrivent à vomir en marchant. ils viennent me chercher à la gare en s'excusant parce qu'ils sont défoncés mais ils ne peuvent pas me ramener parce que leurs parents ont enfin levé l'interdiction qu'ils avaient de pénétrer dans le domicile familial. ils trouvent que nova c'est cool, pas parce que c'est une radio simili-déviante, mais parce que la musique est marrante la nuit, et ils se foutent de la fréquence de france inter. quand leurs chaussures ont des trous, ils vont racheter les mêmes, ou alors dépenser deux cent euros pour une paire qu'ils mettront deux fois parce qu'on leur aura dit qu'elle est moche. ils ne savent pas ce qui se passe dans le monde, mais ils s'en foutent parce qu'ils ont leur monde. je n'ai pas besoin de leur demander si ils savent que leur comportement reflète la vision qu'avait pascal de l'ennui et du divertissement, parce qu'ils savent ce qui est important, me rient au nez et resservent un whisky-coca. ils gardent toujours le whisky-coca pour le lever du soleil et je n'ai pas besoin de brailler "daybreak, gentlemen" pour qu'ils saisissent l'instant présent aussi bien que joyce. ils ne prennent pas de mes nouvelles, mais m'appellent bourrés au bout d'un mois pour me narguer parce qu'ils viennent d'acheter un kebab. il suffit que l'un d'entre eux me lâche un "toi aussi ?" quand on vient de trouver la même signification à quelque chose de complètement improbable pour que j'ai envie de revoir la fin de supergrave.

ceci est entrain de dériver salement à la déclaration d'amour en abandonnant lâchement la lettre de rupture, mais ça t'apprendra. j'aurais aimé te les écrire comme je les ressent, et te faire partager un peu, une unique fois, ce que c'est que d'être bien entouré. impossible. autant écouter indochine pour me réveiller.
et si je savais par où commencer, chaque mot plaqué sur ce papier leur arracherait leur intégrité, leur crédibilité et leur sourire. mes potes ne sont pas les clichés américano-téstostéroneux qui se limitent à mettre une main sur l'épaule au moment où on va se sacrifier pour la patrie. eux te sourient, quand ça va mal, pour te dire que t'es une baltringue, et qu'il n'y a que les baltringues qui ne se reprennent pas; ils te sourient quand ça va bien et ils en profitent pour te prendre dans leurs bras parce qu'ils sont heureux que tu sois là, et que t'aies amené un pack de 24, à défaut du fric que tu leur dois.

je sais que j'ai un rythme de vie beaucoup plus sain, que j'ai des fréquentations qui me tirent bien plus vers le haut, des études qui paieront beaucoup plus et une vie qui s'annonce bien plus confortable que la leur. même si je dois crouler sous l'or et les soirées tendances, m., ce seront ces trois ou quatre types, profils bas et têtes hautes, qui m'entretiendront.

j'aime mes potes.

7 comments:

  1. Clémence22.4.10

    Les trois premières lignes de ce texte m'ont obligée à lire tout le blog.
    Je suis pas sure que ça serve à grand chose de dire "bravo", mais je sais pas trop quoi dire, j'avais juste envie de dire un truc. Voilà, je l'ai dit.

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  2. Anonymous16.5.10

    burp! find another to tell me

    C: Excus

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  3. Pierre:

    Je ne vous connais pas, mais par hasard, j'ai rencontre ce blog en passant les temps en ligne...Et, en effet, j'etais ravie de le decouvrir. Tu es formidable ecrivan. Je parie que tout le monde se reconnaitre dans vos pensees.
    J'ai voulu que vous sachez que vouz ayez une admiratrice aux Etats-Unis...Je continuerai a lire n'importe quoi vouz lissez.
    (PS: Ces articles, sont-ils tous les votres?)

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  4. haha, c'est rigolo, je suis moitié-français, moitié-américain ! de quelle partie des us venez-vous ? j'habite en français, mais ma famille vit près d'orlando.

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  5. Pierre!

    Desolee...j'ai perdu le lien a ton site pendant quelques jours. Mais, a grace de mon moteur de recherche, je t'ai trouve a nouveau! :-)
    Je viens de New York; je suis nee au Manhattan. J'ai grandis au dehors la ville. Je suis etonne d'apprendre que tu es moitie americain!! Je suis jalouse de ton "double nationalite;" c'est hyper-cool!!
    J'espere que tu ne me trouves pas bizarre pour la manierre dont je m'approchai de toi! Je suis obsedee avec l'ecriture francais. C'est mon sujet specialisee a l'universite :)
    Merci encore pour avoir me donne quelque chose plus interessant que l'ecriture de Proust ou les articles de Wikipedia! Continues a ecrire, STP.
    PS: Une autre question, si tu as envie de me repondre: As-tu grandi bilingue? Et, as-tu passe partie de la vie aux USA?

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  6. envoie-moi un mail, plutot, c'est bien plus simple pour communiquer: pierre.depaz [at] gmail.com
    je te réponds dès que je le reçois.

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